Dernière modification le 1-6-2022 à 15:25:01
Le Monde, 6 mars 2022. « Éthiopie : après la sécheresse, la famine menace » et « L’Australie frappée par des inondations historiques », International & Planète, p. 17.
Dans la partie supérieure de la page : l’état proprement dramatique que connait la Corne de l’Afrique au terme de trois saisons des pluies consécutives sans précipitations ou presque. Dans sa partie inférieure : les désastres engendrés à travers l’Australie par un déferlement de pluies sans précédent. Si le contraste est saisissant, l’extrême aridité et les « bombes de pluie » torrentielles n’en constituent pas moins les deux pôles de l’actuelle dérive climatique.
Côté Éthiopie. Confrontés à l’une des pires sécheresses de ces quarante dernières années, rares sont les éleveurs qui, tant bien que mal, parviennent à conserver quelques têtes d’un bétail constituant leur seule richesse. Mais à quel prix ! « J’en ai sélectionné certaines, je les attache chez moi, je les garde à l’ombre et les empêche de sortir, sinon elles mourront », confesse une femme, précisant que le foin dont elle nourrit ses bêtes provient de sa toiture. À quelque distance de là, écrit Noé Hochet-Bodin, plusieurs centaines de carcasses de moutons, de chèvres et de chameaux sèchent au soleil, dans un décor désertique où seuls quelques arbustes résistent péniblement. Un ancien dit : « C’est la première fois que l’on voit des animaux se manger entre eux. Dès qu’une chèvre meurt, les autres dévorent les restes. » Pendant ce temps, antilopes et sangliers rôdent aux abords des habitations, en quête désespérée d’un peu d’eau. Dans un contexte que contribue encore à aggraver la guerre civile qui se déroule dans les provinces du Tigre, Aftar et Amhara, comment répondre aux besoins criants de 13 millions d’individus répartis entre l’Éthiopie, la Somalie et le Kenya ? Comment, de plus – se demande Michael Dunford, directeur régional pour l’Afrique de l’Est du Programme alimentaire mondial (PAM) – « s’assurer que la crise dans la Corne de l’Afrique reste sur les écrans radars alors que l’attention internationale est désormais tournée vers l’Ukraine ? »
Pendant ce temps, en Australie, dans l’État de Nouvelle-Galles du Sud, plus de 200 000 personnes ont dû évacuer leurs domiciles en sorte d’échapper aux eaux boueuses qui viennent de déborder des rivières et fleuves – ceci sur une bande de plusieurs centaines de kilomètres le long des côtes du Pacifique (quatorze moins chanceuses ont pour l’instant trouvé la mort). Vendredi dernier, la ville de Lismone connaissait elle aussi une situation sans précédent ; certains habitants, surpris par la rapidité de la montée des eaux, ont même dû éventrer leurs toitures pour s’extraire de leurs maisons inondées. Un peu partout dans les rues : détritus, meubles brisés et voitures retournées. Au même moment, dans l’État du Queensland, Brisbane recevait en à peine trois jours 80% de ses précipitations annuelles. Et si, quant à elle, la région de Sydney a échappé au pire, plusieurs agriculteurs n’en ont pas moins perdu leurs récoltes, cependant que dans le nord de l’État, des centaines d’hectares de plantations de soja, de riz et de sucre de canne ont été engloutis.
Au total, écrit Isabelle Dellerba, : une somme d’inondations, consécutives du système de basse pression qui se déplace lentement, mais dont l’impact s’est révélé d’autant plus fort que l’Est australien est affecté, depuis septembre 2020, par le phénomène climatique La Niña, caractérisé par sa température anormalement basse, et qu’il a déjà essuyé, pendant tout l’été austral, de fortes pluies.
Or quand on se souvient que, sur l’île-continent, « les événements climatiques extrêmes se sont multipliés ces dernières années, causant sécheresses, feux de forêts et inondations », on peut s’attendre à pire encore.