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Dernière modification le 28-7-2022 à 17:42:24
Le podcast
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Qu’est-ce ?
On parle de rétroaction lorsque la réponse d’un système à un stimuli externe impacte le stimuli lui-même. Cette réponse peut conduire à atténuer ou à amplifier le stimuli. Dans le premier cas, on parle de rétroaction négative (la réaction s’oppose à ce qui l’a causé). Dans le second, de rétroaction positive (la réaction renforce sa propre cause). Certains cas extrêmes de rétroactions positives peuvent produire, passé un certain seuil, des effets brusques ou irréversibles pouvant mener à un emballement du système. On parle dans ce cas de points de basculement (ou points de non-retour).
Pourquoi est-ce important ?
De très nombreux phénomènes physico-biologico-chimiques du système Terre sont à la fois sensibles à la température, et ont un impact sur cette dernière. Ils font donc partie de boucles de rétroaction climatiques.
Ces phénomènes sont cruciaux pour comprendre le changement climatique, car ces rétroactions peuvent amplifier ou au contraire atténuer l’effet de chaque forçage climatique (tel que les émissions par les humains de gaz à effet de serre). Ils peuvent être des modérateurs (rétroaction négative) ou des catalyseurs (rétroaction positive) du bouleversement climatique. Ils jouent donc un rôle important dans l’estimation de la sensibilité climatique et les projections sur le climat futur.
Les principales rétroactions positives qui tendent à amplifier le forçage climatique anthropique sont les suivantes:
- Concentration en vapeur d’eau de l’atmosphère : La concentration maximale de vapeur d’eau possible dans l’atmosphère augmente avec la température de cette dernière. Or, la vapeur d’eau est le principal gaz à effet de serre de la Terre. Le réchauffement climatique permet donc d’augmenter la teneur en vapeur d’eau de l’atmosphère, donc l’effet de serre, donc la température, et ainsi de suite.
- Réchauffement des océans : L’augmentation des émissions de CO2 augmente le forçage radiatifÉvaluation des quantités d’énergie reçue et perdue par un système. Pour le bilan radiatif de la Terre, le système se compose du sol, des océans et de l'atmosphère. Quasiment toute l'énergie provient du rayonnement solaire large spectre (de l'ultraviolet à l'infrarouge, en passant par la lumière visible). Notre système Terre perd de l'énergie via son rayonnement infrarouge. Un système dont le bilan radiatif est nul (autant d'énergie reçue que d'énergie perdue) est à l'équilibre thermique (sa température reste globalement constante). Lorsqu'un le bilan est positif, le système se réchauffe. Inversement, un bilan négatif indique qu'un système refroidit.. Ceci conduit à une augmentation des températures atmosphériques et marines. Plus la température des océans est élevée, moins ceux-ci peuvent absorber de CO2. Ceci diminue l’efficacité des océans comme puits de carbone, et augmente donc la concentration de CO2 atmosphérique. Cette boucle est illustrée par l’image ci-dessus.
- Diminution de la circulation thermohaline : Le brassage des eaux entre les différentes couches marines permet d’enfouir le CO2 dissout dans l’eau de surface dans les couches plus profondes des océans, régénérant ainsi la capacité des eaux de surface à absorber à nouveau du CO2. La fonte des glaces polaires ralentit cette circulation par injection d’une grande quantité d’eau douce près des pôles. Ce ralentissement diminue la capacité d’absorption de CO2 des océans, ce qui augmente la teneur en CO2 de l’atmosphère, menant à une élévation plus rapide de la température, et donc à une fonte plus rapide des glaces.
- Absorption du C02 par les océans : L’absorption de CO2 acidifie les océans, ce qui est problématique pour une grande partie de la vie marine. En particulier pour le phytoplancton (dont la photosynthèse convertit une énorme quantité de CO2 en oxygèneLe dioxygène, communément nommé oxygène, est une substance constituée de molécules O2 (constituées chacune de deux atomes d'oxygène). Gazeux dans les conditions normales de température et de pression, incolore, inodore et insipide, il participe à des réactions d'oxydoréduction, essentiellement la combustion, la corrosion et la respiration. Le dioxygène est l'une des formes allotropiques de l'oxygène. L'appellation « oxygène » sans autre précision est ambiguë parce que ce terme peut désigner l'élément oxygène (O) ou bien le gaz oxygène (O2).), ainsi que pour tous les organismes à coquille (qui contribuent à transformer durablement le CO2 dissous dans l’eau en carbonate précipitant sur les fonds marins).
- Diminution de l’effet albédo de la surface de la Terre : La glace ayant un albédo élevé reflète une grande partie de l’énergie reçue du soleil . Lorsque la glace fond, laissant apparaître un océan bleu foncé ou de la roche, l’albédo diminue ce qui provoque une plus grande absorption d’énergie, augmentant le réchauffement climatique. Ce réchauffement fait fondre la glace plus rapidement et ainsi de suite.
- Feux de forêts : L’élévation des températures cause un assèchement des forêts, les rendant plus vulnérables aux incendies. Ces incendies détruisent de précieux puits de carbone, que sont sols forestiers riches en humus et les arbres eux-mêmes.
- Dégel du permafrost et des hydrates de méthane: En fondant, le permafrost expose de la matière organique auparavant gelée aux bactéries, ce qui libère une quantité considérable de gaz à effet de serre (principalement du CO2 et du méthane). Ce dégagement gazeux contribue au réchauffement, accélérant le dégel du permafrost. Les hydrates de méthane sont des structures d’eau solide emprisonnant de grandes quantités de méthane dans les profondeurs marines. L’augmentation des températures océaniques peut mener au dégel de ces structures, libérant le méthane emprisonné, qui augmentera la quantité de gaz à effet de serre contenue dans l’atmosphère.
Les scientifiques ont également identifié un certain nombre de rétroactions négatives, qui tendent à atténuer les effets du réchauffement anthropique:
- Rayonnement thermique : Plus la Terre se réchauffe, plus elle est capable de rayonner d’énergie sous la forme d’infrarougeComme la terre ne gagne ou ne perd que très peu de matière, c’est par le rayonnement que les échanges énergétiques se produisent, en gain (réception de rayonnement) comme en perte (émission de rayonnement). La lumière infrarouge est une partie de la lumière invisible, mais que l’on peut sentir avec notre peau (effet d’échauffement ressenti à l’approche d’un objet chaud)., lui permettant ainsi d’évacuer une plus grande quantité d’énergie. C’est la loi de Stefan-Boltzmann qui régit ce phénomène, aussi appelé rétroaction de Planck.
- Dopage de la croissance des végétaux : Une atmosphère plus riche en CO2 stimule la croissance des végétaux. Ce principe est d’ailleurs appliqué dans certaines serres où l’atmosphère est enrichie en CO2. Ce principe devrait permettre au puits de carbone végétal de se renforcer à mesure que le taux de CO2 de l’atmosphère augmente. Cependant, ce phénomène s’accompagne d’une hausse des températures et d’un stress hydrique qui contrebalancent cet effet bénéfique du CO2.
- Population humaine : Les catastrophes naturelles induites par les bouleversements climatiques auxquelles l’humanité commence à faire face risquent fort de mener à une diminution drastique de notre population au cours des prochains siècles. Ce faisant, les émissions anthropiquesFait par un être humain ; dû à l'existence et à la présence d'humains. Principe anthropique : selon lequel l'évolution de l'univers aurait été conduite par la finalité de la vie humaine. de gaz à effet de serre diminueront.
- Fin des énergies fossiles : Si l’humanité continue sur sa lancée à brûler toute l’énergie fossile dont elle dispose (nous sommes toujours actuellement sur une telle trajectoire), viendra un moment où les émissions anthropiques de CO2 diminueront forcément. Il faut par contre bien comprendre qu’une telle modération adviendrait naturellement alors que la Terre serait déjà principalement inhabitable car beaucoup trop chaude.
Les nuages sont connus pour avoir un grand impact sur le climat. Ils sont classés selon différentes propriétés. Suivant le type de nuage étudié, les boucles de rétroaction peuvent être positives ou négatives(( www.pourlascience.fr/sd/climatologie/les-nuages-amplificateurs-du-rechauffement-10070.php )).
- Rétroactions positives des nuages de haute altitude : Il est possible qu’avec l’augmentation de température, les nuages de haute altitude prennent encore de la hauteur afin de conserver leur température initiale. De ce fait, ces nuages réduiront leurs capacités à refroidir la planète ce qui risque d’accroitre le réchauffement climatique et ainsi de suite.
- Rétroactions négatives des nuages de basse altitude : L’augmentation de la température favorise la formation de nuages. La création de nuages bas, possédant un fort albédo limite le réchauffement local ce qui fait descendre la température. L’effet initial du réchauffement est donc atténué. C’est pourquoi il est question d’une boucle de rétroactionLa rétroaction est une réaction suite à une perturbation. Concrètement, le processus de boucle de rétroaction est une réaction à un stimuli. Tant que la perturbation est présente, le cycle perpétuera. La boucle de rétroaction peut-être soit positive, soit négative. La première provoque une amplification du déséquilibre tandis que la seconde tend vers une atténuation. Lire l'article. négative. Une étude(( www.nature.com/articles/s41561-019-0310-1 )) publiée dans la revue Nature en 2019 met toutefois en garde contre certains effets de seuils: si la concentration en gaz à effet de serre venait à tripler ces prochaines années, les stratocumulus (de basse altitude) pourraient se disperser brutalement, contribuant ainsi au réchauffement de la planète.
Questions actuelles, débats, controverses ?
L’impact de ces processus sur le climat est encore difficilement modélisable de manière exacte. De ce fait, il existe encore de grosses incertitudes concernant un risque d’emballement des températures lié aux boucles de rétroaction. Cependant, le doute concernant le rôle des boucles de rétroaction dans le changement climatique est considéré comme faible dans le rapport de synthèse du GIECLe GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) est une organisation qui a été mise en place en 1988, à la demande du G7 (groupe des 7 pays les plus riches : USA, Japon, Allemagne, France, Grande Bretagne, Canada, Italie). La version anglaise de cet acronyme est IPCC (The Intergovernmental Panel on Climate Change). de 2014(( D’après les modèles de système Terre, on peut affirmer, avec un degré de confiance élevé, que les rétroactions entre le changement climatique et le cycle du carbone vont amplifier le réchauffement de la planète. Le changement climatique atténuera partiellement l’accroissement des puits de carbone des terres émergées et de l’océan dû à l’augmentation du CO2 atmosphérique. Une plus grande partie des émissions anthropiques de CO2 seront donc stockées dans l’atmosphère, ce qui va renforcer le réchauffement {GT I RID E.7, 6.4.2, 6.4.3} Source : Synthèse du rapport du GIEC 2014 www.ipcc.ch/site/assets/uploads/2018/05/ar4-wg1-spm-fr. )).
L’étude Why the right climate target was agreed in Paris(( Why the right climate target was agreed in Paris: www.nature.com/articles/nclimate3013 )) (que l’on pourrait traduire par Pourquoi les seuils climatiques décidés lors les accords de Paris sont judicieux) de Hans Joachim Schellnhuber, Stefan Rahmstorf et Ricarda Winkelmann, publiée dans la revue Nature, montre la sensibilité au réchauffement climatique de plusieurs points de basculement particulièrement préoccupants.
Points de basculement du système Terre, en lien avec les températures globales, depuis la dernière ère glacière il y a 20’000 ans, jusqu’à nos jours, ainsi que par rapport aux différents scénarios de réchauffement. La fourchette de 1.5 à 2°C de réchauffement telle que choisie lors les accords de Paris est représentée en gris; les barres colorées représentent les risques croissants (du jaune au rouge) de franchir chacun des points de basculement.
- WAIS (West Antarctic Ice Sheet) : Fonte de la calotte polaire de l’AntarctiqueDes 7 continents terrestres, l’Antarctique est le plus méridionale. S’articulant autour du pôle Sud, il est recouvert à 98% de glace, qui peut atteindre plusieurs kilomètres d’épaisseur et représente 70% des réserves d'eau douce de la planète. Avec des précipitations de 200 mm en moyenne par an, l’Antarctique est un grand désert. Les températures oscillent entre -90°C min. à l'intérieur des terres en hiver à 15°C max. près des côtes en été. Ouest
- Greenland : Fonte de la calotte polaire du Groenland
- Arctic summer sea ice : Disparition de la banquise arctique en été
- Alpine glaciers : Fonte des glaciers alpins
- Coral reefs : Mort des récifs de coraux
- Amazon rainforest : Destruction de la forêt amazonienne
- Boreal forest : Destruction de la forêt boréale
- THC (ThermohalineLa circulation thermohaline est la circulation océanique engendrée par les différences de densité (masse volumique) de l'eau de mer. Ces différences de densité proviennent des écarts de température et de salinité des masses d'eau, d'où le terme de thermo — pour température — et halin — pour salinité. circulation) : Forte perturbation de la circulation thermohaline moteur du Gulf StreamLe Gulf Stream est une partie de la circulation mondiale des courants océaniques (aussi appelé AMOC), il a la particularité d’être la partie la plus rapide de cette circulation, jusqu’à 2m/s. La variation de la température et de la salinité modifie la densité (ou masse volumique) de l’eau. Cette modification de densité provoque un plongeon de l’eau “plus lourde” dans le fond de l’océan et c’est le moteur de la circulation “lente” des courant marins. Cette circulation est en phase de ralentissement.)
- Sahel : Désertification de la région du Sahel
- ENSO (El Niño–Southern Oscillation) : Forte perturbation du cycle El Niño en Asie du Sud
- EAIS (East Antarctic Ice Sheet) : Fonte de la calotte polaire de l’Antarctique Est.
- Permafrost : Dégel du pergélisolLe permafrost ou pergélisol, en français, est une couche de terre, de roche ou de sédiment qui est maintenue à une température inférieure à 0°C durant une période d’au moins deux ans consécutifs. Ce phénomène naturel recouvre environ 22 % de notre surface terrestre, principalement au Canada, en Alaska, en Russie et au Groenland ainsi que dans les régions de montagnes. Le permafrost recouvre entre 5 à 6 % du territoire Suisse.
- Arctic winter sea ice : Disparition de la banquise arctique en hiver
Les 5 premiers points de basculement pourraient déjà être atteints au cours de ce siècle, même en respectant les accords de Paris. Nous devrions pouvoir éviter de passer les 8 suivants, à condition que les accords de Paris soient respectés et que les rétroactions positives engendrées par les 5 premiers points de basculement ne déstabilisent pas suffisamment le climat pour apporter le réchauffement additionnel suffisant à enclencher ces autres boucles de rétroaction. Cet effet domino pourrait ainsi mener à un réchauffement global hors de tout contrôle.
C’est la raison pour laquelle il est primordial de respecter les accords de Paris. Il faut en effet limiter au maximum le risque d’enclencher ces boucles de rétroaction supplémentaires, car leur pouvoir réchauffant est absolument gigantesque. Le temps nous est compté, car la forêt amazonienne est déjà en train de passer de puits de carbone à source de carbone, et les températures extrêmes au delà du cercle polaire arctique induisent une fonte du permafrost bien plus rapide qu’anticipée jusque-là.
Compléments web
- Article Wikipédia: fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9troaction_climatique
- earthhow.com/climate-feedback-loops/
Compléments vidéos
- Positive feedback loops and global warming (utiliser la traduction FR automatique) : youtu.be/ZDOIzDPuojc
Compléments jeunes
- L’effet boule de neige du réchauffement climatique : les boucles de rétroaction : youtu.be/omRbSMKnFNg