samedi , 27 juillet 2024

Antarctique

Dernière modification le 28-7-2022 à 17:52:48

“Il faut avoir passé une période de sa vie dans les sombres et mornes solitudes qui gardent le pôle pour comprendre ce que les arbres et les fleurs, le gazon ensoleillé et les ruisseaux bruissants représentent de joie pour une âme humaine.”
Ernest Shackleton, explorateur.

“Un explorateur qui a parcouru le Pôle Nord et le Pôle Sud ou inversement, peut-il être considéré comme bipolaire?”
Bernard-Guyso, retraité, humoriste, France 1935.

Le podcast

Temps de lecture 9 minutes

Qu’est-ce ?

Des 7 continents terrestres, l’Antarctique est le plus méridionale. S’articulant autour du pôle Sud, il est recouvert à 98% de glace, qui peut atteindre plusieurs kilomètres d’épaisseur et représente 70% des réserves d’eau douce de la planète. Avec des précipitations de 200 mm en moyenne par an, l’Antarctique est un grand désert. Les températures oscillent entre -90°C min. à l’intérieur des terres en hiver à 15°C max. près des côtes en été – avec un record de 20°C enregistré en janvier 2020. Le continent est entouré par l’océan Austral et une vingtaine d’îles dites subantarctiques.

Signé en 1959, le traité sur l’Antarctique consacre le continent à la science, aux actions pacifiques, à la préservation des ressources naturelles et la protection de la biodiversité. Riche en faune, l’Antarctique ne compte pas d’habitant, mais une soixantaine de bases scientifiques accueillant 1’000 personnes en hiver et 5’000 en été.

commons.wikimedia.org Antarctica.svg

Pourquoi est-ce important ?

Élévation du niveau des mers

Depuis le début du 21e siècle, la fonte des glaces s’est considérablement accélérée en Antarctique. Selon une étude publiée en 2018 dans Nature, l’Antarctique a perdu 3’000 milliards de tonnes de glace depuis 1992(( www.nature.com/articles/s41586-018-0179-y )), faisant ainsi monter le niveau global des océans de presque 8 millimètres. De 40 milliards de tonnes par an entre 1979 et 1990, le rythme de la perte de glace est passée à plus de 250 milliards de tonnes par an depuis 2009, estimait une étude publiée par la revue PNAS en 2019(( www.pnas.org/content/116/4/1095 )).

A terme, la fonte des glaces de l’Antarctique – non pas celle des banquises, déjà comptée dans le volume de l’eau, mais celle des glaciers d’eau douce situés sur les terres – pourrait être la principale cause d’élévation du niveau des océans. Estimée à environ 3mm par an actuellement, celle-ci pourrait, suivant les différents scénarii du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), encore monter de 26 à 82 cm d’ici la fin du XXIème siècle(( leclimatchange.fr/les-elements-scientifiques/ )), mettant à risque nombre de régions côtières et leurs habitants. Selon l’étude de PNAS datant de 2019, si toute la glace de l’Antarctique venait à fondre, les océans pourraient monter de 57 mètres(( www.bfmtv.com/sciences/antarctique-la-glace-fond-plus-vite-que-prevu_AN-201901150032.html )).

Circulation thermohaline

Les pôles jouent un rôle crucial dans la mécanique océanique mondiale. Les écarts de température et de salinité des masses d’eau engendrent des courants à grande échelle tout autour de la planète. C’est ce qu’on appelle la circulation thermohaline (voir notre page sur le Gulf Stream). Refroidie et salée, l’eau plonge dans les profondeurs. Réchauffée au niveau des Tropiques, elle remonte à la surface. Or, ces grands mouvements de convection contribuent à la redistribution de chaleur sur le globe – ils sont un peu le thermostat de la Terre, assurant ainsi un certain équilibre climatique – ainsi qu’aux échanges gazeux avec l’atmosphère, en particulier le cycle du carbone.

commons.wikimedia.org Ocean circulation conveyor belt

Rôle dans le cycle du carbone

Dans ces échanges gazeux, l’océan Austral tient un rôle particulièrement important. Il est en effet, de toutes les mers, celle qui agit le plus efficacement comme puits de carbone(( cordis.europa.eu/article/id/27712-southern-ocean-carbon-sink-weakened/fr )). Car la solubilité du CO2 dépend directement de la température du liquide. Elle est plus grande dans les eaux froides, qui contiennent donc plus de gaz dissous que les eaux chaudes. Si les masses d’eau océaniques tendent à relâcher du CO2 lorsqu’elles rejoignent des régions tropicales, le mécanisme inverse se produit quand elles migrent vers les zones polaires, où elles se chargent au contraire en CO2 atmosphérique. Dans le même temps, elles se refroidissent et plongent dans les fonds en entraînant ce gaz dissous.

L’intensité des échanges dépend également du vent et de la hauteur de la houle. Plus celle-ci est forte, plus les échanges sont facilités. Or, l’océan Austral est connu pour ses eaux agitées, notamment dans ce que l’on appelle les Quarantièmes rugissants, soit les latitudes situées entre les 40e et 50e parallèles de l’hémisphère Sud.

Les couches profondes océaniques, qui ont atteint le maximum de densité de l’eau, sont donc des puits plutôt stables. Ce n’est qu’après un long cycle de circulation thermohaline allant de 1000 à 1500 ans qu’elles reviennent en surface, se réchauffent et relâchent le CO2 qu’elles contiennent.

Menace sur la faune

Malgré les conditions de vie très arides, de nombreuses espèces vivent sur le continent antarctique, sur les îles qui l’entourent et dans les fonds marins. Cependant, pour certains animaux, l’eau devient trop chaude. Ils sont alors contraints de migrer vers des lieux plus froids, qui se réchauffent à leur tour. L’arrivée de nouvelles espèces et la cohabitation avec celles déjà présentes perturbent les écosystèmes et augmentent le risque d’en voir certaines tout simplement disparaître, comme le krill – petit crustacé qui constitue la base de la chaîne alimentaire – les manchots, et bien d’autres animaux marins.

 

Manchots royaux et éléphant de mer, St-Andrews Bay, île South Georgia. © S.Perrin

Or, les nombreuses espèces dites calcifiantes vivant dans cette zone, telles que crustacés, mollusques, coraux et certains phytoplanctons(lien vers fiche coraux), participent de manière non négligeable au cycle du carbone en absorbant de grandes quantités de CO2 pour la formation de leur coquille ou de leur exosquelette en calcaire(( www.actu-environnement.com/ae/news/romain-trouble-tara-ocean-austral-puits-carbone-11642.php4 )). Mais ce rôle est compromis également par l’acidification croissante des eaux océaniques(lien vers fiche acidité des océans), qui tend selon les cas à dissoudre ou à épaissir les coquilles de ces animaux(( www.unibe.ch/actualits/mdias/media_relations_f/communiqus_de_presse/2020/communiqus_de_presse_2020/lacidification_de_locan_arctique_sous_estime/index_fra.html )),(( fr.ecocreativite.com/ocean-acidification-887746 )).

Questions actuelles, débats, controverses

– L’une des remarques les plus fréquentes est que le réchauffement climatique n’aurait pas d’effet en Antarctique, s’appuyant notamment sur des études montrant que certaines parties du continent gagnent de la glace plutôt que d’en perdre.

Une étude de la NASA de 2015(( www.nasa.gov/feature/goddard/nasa-study-mass-gains-of-antarctic-ice-sheet-greater-than-losses )) concluait en effet que la masse totale de glace avait augmenté grâce à une accumulation continue de neige depuis 10 000 ans, aboutissant à un enneigement plus important que les pertes dues à la fonte des glaciers.

L’explication réside en partie dans le changement climatique lui-même(( www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/06/12/oui-les-glaces-fondent-et-c-est-bien-a-cause-du-rechauffement-climatique_5475076_4355770.html )), qui modifie notamment la dynamique des vents et les pousse dans certaines zones où ils ne soufflaient pas auparavant, créant des microclimats. A l’Est, il fait ainsi toujours très froid, tandis que la péninsule, à l’Ouest, est sous l’effet de courants plus chauds. Sans oublier que si la glace peut s’étendre en surface, notamment sous forme de banquise, cela n’empêche pas aux glaciers situés sur les terres de perdre en volume.

Il semble d’ailleurs que la tendance se soit inversée. En 2014, la banquise de l’Antarctique n’avait jamais été aussi étendue depuis qu’on la mesure. En 2017, elle n’avait jamais été aussi petite. En trois ans, 2 millions de kilomètres carrés de glace ont disparu(( fr.news.yahoo.com/depuis-2014-glace-lantarctique-fond-151747063.html?soc_src=social-sh&soc_trk=ma )).

– Signé en 1961, le Traité de l’Antarctique(( www.ats.aq/index_f.html )) fait de toute la région située au sud du 60e parallèle une zone dédiée à la paix, à la science et à la protection de l’environnement. Il est à ce titre un exemple unique au monde de gouvernance internationale. Douze pays l’ont signé au départ, rejoints ensuite par plusieurs autres, pour un nombre atteignant une cinquantaine aujourd’hui.

Or, ce traité comprend notamment un moratoire sur l’exploitation des ressources. Bien qu’il ne puisse légalement pas être remis en question avant 2048 et qu’il sera éthiquement difficile de l’abroger, les enjeux géostratégiques sont importants. En rendant certaines régions plus accessibles, les conséquences du réchauffement climatique pourraient, à l’instar de l’Arctique, nourrir des convoitises et velléités d’extraction de ressources telles qu’énergies fossiles ou minerai.

Liens

Compléments (blog)

Compléments vidéos

  • Réchauffement climatique, la fonte des glaces s’accélère (2018,  en 2mn.) : youtu.be/agf2wynVkyE
  • Comprendre comment la planète perd sa banquise en 3 minutes (Le Monde, 2016) : youtu.be/jmXNXXicRsk

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