Dernière modification le 12-7-2022 à 13:34:53
Le Monde, 2 juillet 2022, « Le plan Biden sur le climat sapé par la Cour suprême », « Planète », p. 9.
À la nouvelle encourageante répercutée ici même la semaine passée (« Le Parlement européen adopte la réforme du marché carbone »), vient de s’en rajouter une autre. En effet, dans le sillage de l’enquête menée par l’organisation non gouvernementale suisse Public Eye, Le Monde du 3 juillet révèle les vaines manœuvres ourdies par le géant de l’agroalimentaire Nestlé pour tenter de bloquer l’étiquetage nutritionnel au Mexique – un pays où sept habitants sur dix sont en surpoids ou obèses. Plus précisément, il s’agissait de contourner cet étiquetage des emballages alimentaires introduit dans le pays depuis deux ans et grâce auquel le consommateur se trouvait averti de toute présence d’ingrédients nocifs pour la santé : « excès en graisse saturée », « en sucre », « en calories », etc. En dépit des pressions, les autorités mexicaines tenaient bon. D’où la plainte déposée par le gouvernement helvétique auprès de l’Organisation mondiale du commerce. En vain. Six mois plus tard, 10 000 produits de 80 marques étaient retirés du marché mexicain pour non-respect du nouvel étiquetage. « Parmi eux, deux céréales vendues par Nestlé ». Adieu donc dividendes sur crèmes glacées, boissons instantanées et divers produits laitiers.
De quoi se réjouir ? Assurément. Mais jetons à présent un coup d’œil sur ce que nous réserve le reste de l’actualité en matière environnementale.
– 5 juillet. En Ukraine, la guerre ne se contente pas d’engendrer de nombreuses victimes humaines, ni de pousser d’innombrables personnes à l’exil. Bombardements, tirs de missiles et d’artillerie, mouvements de troupes et construction de barricades contribuent à y mettre la nature en péril. Ravages de la flore et de la faune dus à d’importants feux de forêts ou de roseaux ; barrages détruits provoquant force inondations ; pollutions de l’eau, de l’air et des terres causées par l’usage de métaux lourds et de gaz toxiques ; centaines de dauphins trouvés morts sur les côtes d’Ukraine, de Turquie, de Bulgarie, de Roumanie – en partie suite aux traumatismes acoustiques infligés par les sonars et les tirs de missiles depuis navires de guerre et sous-marins. « Au total, environ un tiers des aires protégées d’Ukraine serait menacé ».
– 7 juillet. Après neuf jours consécutifs de températures anormalement élevées propres à affecter les réserves en eau à travers le pays, le Japon se trouve confronté à des pluies torrentielles. D’où, dans l’est et le nord du pays, les avertissements réitérés de l’Agence de météorologie (JMA) : « Soyez prudents face au risque de crues et de glissements de terrain. Méfiez-vous des fortes rafales de vent, de la foudre et des tornades ». À Tokyo on signale 180 millimètres de précipitations tombées en seulement vingt-quatre heures. Ce même jour, Le Monde consacre trois quarts de pages à l’impressionnante accélération de la dégradation des glaciers alpins – un phénomène consécutif au réchauffement climatique qui fait craindre des périls en cascades du fait de certains cercles vicieux qu’expose Christian Vincent, ingénieur de recherche à l’institut des géosciences de l’environnement (IGE) de Grenoble : « Le manteau neigeux fond plus rapidement durant le printemps et l’été et laisse apparaître la glace qui absorbe davantage les rayons du soleil, ce qui réchauffe les sols et amplifie la fonte ».
– 8 juillet. Au Laos, l’irruption du Covid-19 a considérablement accru les problèmes de nutrition dans ce pays en mutation, accélérant ainsi une crise alimentaire préexistante (fait qui n’empêche pas la Chine d’importer un nombre croissant de produits agricoles qui y sont cultivés… ni d’avoir implanté un chemin de fer propre à relier Vientiane à la province chinoise du Yunnan). Aux États-Unis, le Grand lac salé d’Utah se trouve à son plus bas niveau depuis le début des mesures en 1847. On imagine les conséquences économiques et sanitaires pour la population locale – sans parler de ce qui adviendra des nombreuses espèces d’oiseaux migrateurs qui y font étape. Pendant ce temps, en France, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) alerte sur la présence de nombreuses familles de substances chimiques « dangereuses » dans les fournitures utilisées à l’école comme à la maison (stylos, gommes, feutres, cahiers, etc.) – que celles-ci soient inhalées, mâchouillées, ingérées ou en contact avec la peau. Des produits classés cancérigènes, mutagènes, toxiques pour la reproduction (CMR) ou suspectés d’être des perturbateurs endocriniens y ont, de fait, été identifiés.
– 9 juillet. Dans les cinq régions du nord de l’Italie irriguées par le Pô où règne actuellement une sécheresse jamais vue, l’état d’urgence a été décrété. Là donc où le fleuve jouait son rôle depuis la nuit des temps, il convient à présent d’irriguer artificiellement les quelque 120 000 hectares cultivés qui constituent la plus grande rizière d’Europe.
Parvenu à ce point, qu’on me permette de rappeler que ce petit lot de fort « mauvaises nouvelles » n’a rien d’éphémère. Qu’avec toutes celles qui précèdent, elles continuent d’esquisser, outre une sorte de puzzle qui nous accorde de mesurer l’étendue des dégâts infligés par les hommes à notre planète comme à l’ensemble du Vivant, autant de plans-séquences d’un film des événements en cours que rien ne nous autorise à censurer, mais qui exige des États des réglementations drastiques que ceux-ci ne semblent en rien pressés d’imposer… pour causes électorales, de lobbying, etc. La plus flagrante – et la plus accablante – démonstration restant la décision rendue publique le 30 juin dernier : aux États-Unis, par six voix contre trois, la Cour suprême restreignait fortement la capacité de l’agence américaine de protection de l’environnement (EPA) à forcer la réduction de CO2 par les centrales électriques américaines. Un verdict criminel – osons le dire – qui intervient alors que l’envolée des prix de l’énergie engendre une forte pression pour reprendre la production d’énergies fossiles. Un crime inscrit dans le sillage de la révolution conservatrice de Ronald Reagan, génératrice de dérégulation, et que le passage à la Maison-Blanche de Donald Trump aura puissamment remis au goût du jour.
Décidément, à si peu de la révocation du droit à l’avortement décrété par la même Cour suprême…
L’effarante conjonction n’a nullement empêché le chef des républicains au Sénat, Mitch McConnell, de se féliciter : « Aujourd’hui, la Cour suprême rend le pouvoir au peuple ».