samedi , 27 juillet 2024

La science – Urgence

Dernière modification le 11-4-2023 à 14:59:00

Le podcast

Temps de lecture 25 minutes.

  • 0’17 Citations
  • 1’00 Principes généraux de la science du climat
  • 4’09 Boucles de rétroactions climatiques
  • 6’33 Montée des mers
  • 8’55 Effondrement écologique
  • 11’18 Sécurité alimentaire
  • 13’14 Le coût humain
  • 16’38 Solutions climatiques
  • 20’24 Résistance non violente

« Nous sommes sur une trajectoire menant à 4°C de réchauffement. Un avenir à +4°C est incompatible avec une communauté mondiale organisée, est probablement au-delà de nos capacités ‘d’adaptation’, est dévastateur pour la majorité des écosystèmes et a une forte probabilité d’être instable”
Prof. Kevin Anderson’

“À +4°C il est difficile d’imaginer comment la Terre pourrait accueillir huit milliards d’êtres humains. Il ne serait peut-être même pas possible à la moitié de ce nombre d’y vivre dans ces conditions »
Prof. Johan Rockstrom.

Principes généraux de la science du climat

@adobe, Mike Mareen

Chaque objet de l’Univers rayonne de l’énergie (chaleur sous forme de rayonnement infrarouge); la quantité de chaleur émise dépend de sa température, les objets plus chauds émettant plus d’énergie.

Lorsque vous vous mettez sous une couverture, le tissu retient une partie de la chaleur de votre corps – vous vous réchauffez jusqu’à ce que le flux de chaleur qui s’échappe corresponde au flux de chaleur émis par votre corps. C’est ce qu’on appelle l’équilibre thermique.

Le rayonnement solaire réchauffe la surface de la Terre. Cette énergie est rayonnée dans l’espace, mais l’atmosphère terrestre emprisonne une partie de la chaleur, comme une couverture. On sait depuis les années 1850 que certains gaz emprisonnent plus de chaleur que d’autres – on les appelle les gaz à effet de serre. Comme l’activité humaine ajoute des gaz à effet de serre (comme le CO2 et le méthane) dans l’atmosphère, l’énergie thermique totale piégée augmente, et ainsi la Terre se réchauffe. Plus la couverture est épaisse, plus on y est au chaud, mais, comme pour faire bouillir une bouilloire géante, le processus de réchauffement prend du temps. La dernière fois qu’il y avait autant de CO2 qu’aujourd’hui dans l’atmosphère terrestre, la Terre était de 1 à 3 °C plus chaude qu’aujourd’hui.

Certains processus épaississent la couverture (comme le fait de brûler des combustibles fossiles ou les émissions de méthane par les animaux); d’autres peuvent réduire son épaisseur. Une partie du CO2 se dissout dans les océans; une partie est séquestrée par la photosynthèse des plantes et des algues. Ce processus extrait le carbone de l’atmosphère et le stocke dans les plantes.

Une partie de ce carbone finit par être piégée dans les forêts, dans les sols, dans les fonds marins et la vie peut donc être un allié extraordinaire pour ralentir le changement climatique. Cependant, tout en doublant presque la quantité de CO2 atmosphérique, l’activité industrielle a décimé la vie sur la planète.

Cette destruction écologique diminue ainsi les freins au réchauffement, accélérant rapidement l’augmentation de température de la Terre dans un nouvel état que les humains n’ont jamais connu, tout en menaçant les écosystèmes qui nous fournissent de la nourriture, de l’eau et une certaine protection contre les catastrophes naturelles.

La littérature sur le climat traite généralement des températures mondiales moyennes, mais cela peut donner un faux sentiment de sécurité. Les terres émergées et les océans se réchauffent à des rythmes différents, de sorte que les augmentations de température moyennes à l’intérieur des terres ont tendance à être 2 à 3 fois plus élevées que la moyenne mondiale (comme en Suisse par exemple). De plus, à mesure que les températures moyennes augmentent, la variabilité du climat augmente en conséquence. Cela signifie que si, par exemple, la Terre se réchauffe en moyenne de 4°C, les températures des terres émergées pourraient être augmentées de plus de 10°C, avec des conséquences catastrophiques.

Lecture recommandées

Foster et al., 2017, Future climate forcing potentially without precedent in the last 420 million years, Nature Comms, 8, 14845 – doi.org/10.1038/ncomms14845

David Spratt, 2020, Climate Reality Check 2020 – www.climaterealitycheck.net/download

Schurer et al., 2018, Interpretations of the Paris climate target, Nature Geo, 11, 220 – doi.org/10.1038/s41561-018-0086-8

United In Science 2020 – UN Climate Report – 10.13140/RG.2.2.12801.28004

Xu & Ramanathan, 2017, Well below 2 °C: Mitigation strategies for avoiding dangerous to catastrophic climate changes, PNAS, 114, 10315 – doi.org/10.1073/pnas.1618481114

Sherwood et al., 2020, An assessment of Earth’s climate sensitivity using multiple lines of evidence, Reviews of Geophysics – doi.org/10.1029/2019RG000678

IPCC. Global Warming of 1.5°C – www.ipcc.ch/sr15/

IPCC. IPCC Special Report on the Ocean and Cryosphere in a Changing Climate, 2019 – www.ipcc.ch/srocc/

Boucles de rétroactions climatiques

Les rétroactions positives sont des mécanismes naturels au sein du système climatique qui renforcent un processus, c’est-à-dire l’accélèrent, une fois qu’un certain seuil climatique (ou point de basculement, “tipping point” en anglais) est franchi.

Par exemple, la banquise arctique a considérablement diminué au cours des dernières décennies. La glace agit comme un miroir, réfléchissant environ 90% du rayonnement solaire, tandis que l’eau en absorbe environ 90%. Cela signifie qu’à mesure que la glace recule, beaucoup plus de chaleur est absorbée par la mer dans les régions polaires, entraînant un réchauffement accéléré de ces régions. Il existe des dizaines de points de basculement connus, et probablement d’autres qui n’ont pas encore été identifiés.

Voici d’autres exemples de rétroaction positives importantes:

  • dégel du pergélisol (une couche de sol gelé qui contient suffisamment de carbone et de méthane pour augmenter les températures mondiales d’environ 2°C, en cas de dégel).
  • les incendies de tourbières (les tourbières sont des régions marécageuses qui stockent plus de carbone que toutes les forêts du monde).
  • l’effondrement et la désertification subséquente de la forêt amazonienne (les scientifiques estiment que le point de basculement menant à la disparition totale de la forêt amazonienne se situe quelque part entre 20 et 40% de déforestation: nous en sommes actuellement à environ 17%.)
  • la destruction écologique (comme la stupéfiante perte récente de récifs coralliens ou de forêts boréales, détruisant des réserves de carbone).

Des signes alarmants indiquent que certains de ces points de basculement ont déjà été atteints. Les scientifiques craignent qu’un point de basculement puisse en déclencher un autre, provoquant ainsi une cascade d’événements hors de contrôle des humains, qui conduirait la planète de manière irréversible à un état beaucoup plus chaud. Un tel résultat représente une menace existentielle pour l’humanité. Les décideurs politiques parlent souvent de «budgets carbone» (la quantité de CO2 que nous pourrions encore relâcher tout en espérant rester en dessous de certains seuils de température). Cette approche fait courir le risque d’un effondrement total de la civilisation, dans le seul but de poursuivre avec le système actuel aussi longtemps que possible. En outre, l’inclusion de l’effet des rétroactions suggère que les budgets carbone pour éviter une catastrophe ont peut-être déjà été dépassés.

Lecture recommandées

Steffen et al., 2018, Trajectories of the Earth System in the Anthropocene, 115, 8252 – doi.org/10.1073/pnas.1810141115

Lenton et al., 2019, Climate tipping points — too risky to bet against – www.nature.com/articles/d41586-019-03595-0

Anthony et al., 2018, 21st-century modeled permafrost carbon emissions accelerated by abrupt thaw beneath lakes, Nature Comms, 9, 3262 – doi.org/10.1038/s41467-018-05738-9

Lovejoy & Nobre, 2018, Amazon tipping points, Science Advances, 4, 2 – advances.sciencemag.org/content/4/2/eaat2340

Feldmann & Levermann, 2015, Collapse of the West Antarctic Ice Sheet after local destabilization of the Amundsen Basin, PNSA, 112, 14191 – doi.org/10.1073/pnas.1512482112

Schneider et al., 2019, Possible climate transitions from breakup of stratocumulus decks under greenhouse warming, Nature Geo, 12, 163 – doi.org/10.1038/s41561-019-0310-1

Rocha et al., 2018, Cascading regime shifts within and across scales, Science, 362, 6421, 1379 – science.sciencemag.org/content/362/6421/1379

Gaurino et al., 2020, Sea-ice-free Arctic during the Last Interglacial supports fast future loss, Nature Climate Change, 10, 928 – doi.org/10.1038/s41558-020-0865-2

Montée des mers

©adobe, Sebastien Rabany

L’élévation du niveau de la mer est l’un des aspects les plus médiatisés de la dégradation du climat – peut-être précisément parce que l’on s’attend généralement à ce qu’il s’agisse d’un problème relativement éloigné dans le temps, justifiant implicitement la procrastination (remettre l’action à plus tard). En effet, l’élévation complète du niveau de la mer qui correspond à la hausse réelle des températures ne sera pas effective avant plusieurs milliers d’années.

Le niveau des mers augmente principalement en raison de deux facteurs dans un climat qui se réchauffe: la fonte des glaces (des calottes polaires et des glaciers) et l’expansion thermique (dans les mers plus chaudes, les molécules d’eau ont des vitesses plus élevées, ce qui crée une pression et la dilatation de la masse d’eau).

L’ampleur de l’élévation du niveau de la mer au cours des prochaines décennies ou siècles est très incertaine, en raison d’effets en cascade (par exemple, une petite élévation du niveau de la mer inondant des terres surmontées d’une calotte glaciaire peut la faire fondre plus rapidement, la déstabiliser et la faire s’écrouler, provoquant ainsi une accélération de la montée des eaux).

Les estimations de l’élévation du niveau de la mer au cours de ce siècle ont tendance à augmenter avec le temps à mesure que les modèles s’améliorent, le GIEC prévoyant une augmentation allant jusqu’à 0,6 m d’ici 2100 en 2007, 0,9 m en 2014, et plusieurs études récentes prévoyant 2-3m ou plus. Dans tous les cas, même de petites augmentations peuvent avoir des effets extraordinaires sur les sociétés humaines.

Une élévation du niveau de la mer de seulement 10 cm double les risques d’inondations extrêmes. D’ici 2050, il est probable que des inondations «historiques» se produiront chaque année dans la plupart des régions du monde. Environ 600 millions de personnes vivent à moins de 10m au-dessus du niveau de la mer et un tiers de la population mondiale dans des communautés côtières. Des centaines de millions d’entre eux deviendront des réfugiés à mesure que le niveau de la mer montera, tandis que les nations insulaires de basse altitude seront probablement entièrement submergées – une réalité qui équivaut à un génocide.

Lecture recommandées

Bamber et al., 2019, Ice sheet contributions to future sea-level rise from structured expert judgment, PNAS, 116, 11195 – doi.org/10.1073/pnas.1817205116

WCRP Global Sea Level Budget Group, 2018, Global sea-level budget 1993–present, Earth Syst. Sci. Data, 10, 1551 – doi.org/10.5194/essd-10-1551-2018

NOAA Technical Report NOS CO-OPS 083, 2017, Global and regional sea level rise scenarios for the United States – tidesandcurrents.noaa.gov/publications/techrpt83_Global_and_Regional_SLR_Scenarios_for_the_US_final.pdf

Post et al., 2019, The polar regions in a 2°C warmer world, Science Advances, 5, 12 – advances.sciencemag.org/content/5/12/eaaw9883

Bahr et al., 2009, Sea‐level rise from glaciers and ice caps: A lower bound, Geophysical Research Letters, 36, 3 – doi.org/10.1029/2008GL036309

Une catastrophe annoncée (France)

www.youtube.com/watch?v=XwRlPQvpCYs

Carte du monde avec les zones submergées en rouge

coastal.climatecentral.org/map/6/8.3092/49.6887/?theme=sea_level_rise&map_type=coastal_dem_comparison&elevation_model=coastal_dem&forecast_year=2050&pathway=rcp45&percentile=p50&return_level=return_level_1&slr_model=kopp_2014

Effondrement écologique

©adobe, Marcin

Les écosystèmes continuent d’être dévastés à un rythme accéléré, principalement à cause de l’activité industrielle, au service de la surconsommation des plus riches du monde (et non pas, malgré toute l’attention qui y est portée, à cause de la croissance démographique). Les causes de l’effondrement écologique sont nombreuses et variées, mais sont généralement attribuées à un mélange de réchauffement climatique, de perte d’habitat (dû à la déforestation, par exemple), de surexploitation (en particulier avec la vie marine) et de pratiques agricoles modernes telles que l’utilisation généralisée de pesticides.

Il est difficile de déterminer avec précision combien d’espèces ou d’animaux individuels ont déjà disparu, car la majorité des espèces ne sont pas documentées (vivant dans des régions éloignées, telles que les profondeurs de l’Amazonie par exemple). Cependant, on estime qu’au cours des 5 dernières décennies, les populations de vertébrés (poissons, amphibiens, reptiles, mammifères et oiseaux) ont diminué d’environ 70%, avec environ 20% des espèces anéanties. Seuls 4% des animaux terrestres existent aujourd’hui à l’état sauvage, tandis que les 96% restants sont composés d’humains (36%) et de bétail (60%). Environ un tiers des arbres du monde ont été abattus.

Les populations d’insectes sont relativement mal étudiées, mais environ la moitié de toutes les espèces d’insectes seraient menacées d’extinction au cours des prochaines décennies, avec un déclin documenté de la biomasse d’insectes au cours des dernières décennies de plus de 75% dans un certain nombre de régions géographiques. Des preuves récentes suggèrent que même le plancton (qui génère environ 80% de l’oxygène du monde et est à la base de tous les écosystèmes marins) pourrait être menacé de déclin catastrophique à mesure que la planète se réchauffe. Le monde naturel est d’une importance tout simplement incalculable pour la société humaine, fournissant la base de notre alimentation, de notre eau, de notre santé, de notre air et plus encore.

Sans des écosystèmes sains, la société humaine ne peut pas prospérer.

Sans écosystèmes fonctionnels, la société humaine ne peut pas survivre.

Lecture recommandées

Living Planet Report 2020 – www.zsl.org/sites/default/files/LPR%202020%20Full%20report.pdf

Thomas et al., 2004, Extinction risk from climate change, Nature, 427, 145 – doi.org/10.1038/nature02121

Parmesan & Yohe, 2003, A globally coherent fingerprint of climate change impacts across natural systems, Nature, 421, 37 – doi.org/10.1038/nature01286

Sanchez-Bayo & Wyckhuys, 2019, Worldwide decline of the entomofauna: A review of its drivers, Biological Conservation, 232, 8 –

Lister & Garcia, 2018, Climate-driven declines in arthropod abundance restructure a rainforest food web, PNAS, 115, E10397 – doi.org/10.1073/pnas.1722477115

Hallman et al., 2017, More than 75 percent decline over 27 years in total flying insect biomass in protected areas, PLoS ONE 12 (10): e0185809 – doi.org/10.1371/journal.pone.0185809

Trubovitz et al., 2020, Marine plankton show threshold extinction response to Neogene climate change, Nature Comms, 11, 5069 – doi.org/10.1038/s41467-020-18879-7

Rainforest facts – rain-tree.com/facts.htm

Sécurité alimentaire et hydrique

©adobe, Scott

Les cultures présentent des «températures critiques» au-dessus desquelles elles meurent rapidement ou ont de fortes baisses de rendement; en conséquence, les vagues de chaleur extrêmes peuvent détruire une grande partie des récoltes dans la région touchée.

Les chaînes d’approvisionnement alimentaire dans le monde moderne sont mondialisées, et les baisses de production dans une région ont donc un impact global. De plus, une grande partie de la nourriture mondiale est cultivée dans des zones géographiquement concentrées (< 25% du total des terres cultivées produit > 70% du maïs, du blé et du riz).

Il suffit donc qu’un nombre relativement faible de régions souffrent simultanément de vagues de chaleur extrême pour que des problèmes catastrophiques dans l’approvisionnement alimentaire mondial se produisent. À mesure que le climat se réchauffe, le nombre de vagues de chaleur extrême augmente rapidement. Le résultat est que, sans changement politique drastique, la production alimentaire de ce siècle sera régulièrement en deçà de la demande, pouvant ainsi causer l’effondrement effectif de notre civilisation globalisée, tandis que des famines et des émeutes balaient le monde.

Depuis 1980, les rendements agricoles ont constamment baissé pour la plupart des cultures, et ce déclin devrait s’accélérer – potentiellement de façon dramatique – dans les années à venir. Bien que les prévisions varient, un certain nombre d’études prévoient des baisses des rendements des cultures d’environ 50% en quelques décennies seulement (selon la variété cultivée). Certaines études suggèrent que l’on sous-estime le problème, car toutes les études ne prennent pas en compte les effets du changement climatique sur le travail humain, le déclin des pollinisateurs, ni l’effet sur les cultures non vivrières.

Les sécheresses, elles aussi, devraient s’aggraver considérablement. À 3°C de réchauffement, la moyenne mondiale de durée des sécheresses devrait être d’environ 10 mois, avec de vastes étendues du monde en sécheresse quasi perpétuelle (en Afrique du Nord, la durée moyenne des sécheresses devrait être de 5 ans, par exemple). Il est difficile d’imaginer un scénario dans lequel ces régions pourraient soutenir ne serait-ce qu’une petite fraction de leur population actuelle dans un tel cas.

Lecture recommandées

Watts et al., 2020, The 2020 report of The Lancet Countdown on health and climate change: responding to converging crises, The Lancet – doi.org/10.1016/S0140-6736(20)32290-X

Gourdji et al., 2013, Global crop exposure to critical high temperatures in the reproductive period: historical trends and future projections, Environ. Res. Lett., 8, 024041 – iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/8/2/024041/pdf

Arora, 2019, Impact of climate change on agriculture production and its sustainable solutions, Environmental Sustainability, 2, 95 – doi.org/10.1007/s42398-019-00078-w

Hatfield & Prueger, 2015, Temperature extremes: Effect on plant growth and development, Weather and Climate Extremes, 10, 4 – doi.org/10.1016/j.wace.2015.08.001

Schlenker & Roberts, 2009, Nonlinear temperature effects indicate severe damages to U.S. crop yields under climate change, PNAS, 106, 15594 – doi.org/10.1073/pnas.0906865106

Dai, 2013, Increasing drought under global warming in observations and models, Nature Climate Change, 3, 52 – doi.org/10.1038/nclimate1633

Naumann et al., 2018, Global Changes in Drought Conditions Under Different Levels of Warming, Geophysical Research Letters,45, 7, 3285 – doi.org/10.1002/2017GL076521

Le coût humain

@adobe, Hikrcn

L’effet net de la sécheresse, du stress thermique, des mauvaises récoltes, des catastrophes naturelles, des inondations et des bouleversements qui s’aggravent constamment sera – sans une réorganisation sociale, économique et politique profonde de la société – destructrice pour l’entier des sociétés humaines.

Les premiers et les plus durement touchés seront les pays du sud de la planète, la dégradation du climat accentuant les inégalités et les injustices existantes, mais aucune communauté n’échappera aux conséquences de ce bouleversement. Même les optimistes les plus fervents ont du mal à avoir beaucoup d’espoir; et pourtant, en comprenant quelles seront certaines des conséquences probables, il est possible de se préparer et d’atténuer certains des pires effets du bouleversement climatique.

Premièrement, nous devons comprendre que le problème de la dégradation du climat a déjà commencé.

  • On estime que plus de 20 millions de personnes par an sont déjà chassées hors de chez elles par une catastrophe environnementale.
  • Actuellement, il y a environ 85 millions de réfugiés dans le monde, en hausse de ∼240% par rapport à il y a 10 ans, et environ la moitié d’entre eux sont des enfants.
  • Parallèlement à cela, les réfugiés sont traités avec une hostilité croissante dans le monde entier, avec une recrudescence d’utilisation de camps de concentration, et de plus en plus de personnes sont apatrides et sans soutien.
  • Le nombre de réfugiés pourrait bien exploser de plusieurs milliards au cours des prochaines décennies: «sans précédent» ne saisit pas la profondeur de cette crise.

Les dynamiques sociales sont difficiles à prédire avec précision, mais nous pouvons avoir un aperçu de ce qui nous attend en étudiant des évènements historiques présentant certaines analogies. Un exemple pertinent qui recoupe de nombreux éléments de la crise climatique est la guerre civile syrienne. Dans ce cas, la pire sécheresse jamais enregistrée (due à l’évolution rapide du climat) a précédé et précipité la guerre.

De grandes régions du pays ont vu mourir les trois quarts de leurs populations animales et végétales. Plus d’un million de personnes ont fui vers les villes pour trouver du travail et de la nourriture, la pression supplémentaire provoquant des troubles sociaux, qui ont dégénéré en guerre civile. Cet effondrement a entraîné un demi-million de morts et le déplacement d’environ 5 millions de personnes hors du pays. Cela a alimenté le fascisme et les violations des droits de l’homme à travers le monde, contribué à l’ascension de Trump, au Brexit et à la persécution des Rohingyas; cette crise est vouée à se répéter au centuple dans les décennies à venir.

Le nombre de conflits liés à l’eau a augmenté au cours du siècle dernier, et de façon exponentielle ces dernières années. La Syrie n’est pas un cas isolé: historiquement, un bouleversement climatique a été le dénominateur commun  de nombreux effondrement de civilisations. Si nous n’apprenons pas de ces leçons et ne nous adaptons pas en conséquence, un effondrement social à l’échelle mondiale nous attend.

Lecture recommandées

UNHCR Report, 2019, Global trends forced displacement in 2018 – www.unhcr.org/5d08d7ee7.pdf

International Organization for Migration (IOM) – Outlook on migration, environment and climate change, 2014, Brief 5 – publications.iom.int/system/files/pdf/mecc_outlook.pdf

Xu et al., 2020, Future of the human climate niche, PNAS, 117, 11350 – doi.org/10.1073/pnas.1910114117

Mora et al., 2017, Global risk of deadly heat, Nature Climate Change, 7, 501 – doi.org/10.1038/nclimate3322

Oxfam, Extreme carbon inequality, 2015 – www-cdn.oxfam.org/s3fs-public/file_attachments/mb-extreme-carbon-inequality-021215-en.pdf

Weiss & Bradley, 2001, What Drives Societal Collapse?, Science, 291, 5504, 609 – doi.org/10.1126/science.1058775

deMenocal, 2001, Cultural Responses to Climate Change During the Late Holocene, Science, 292, 5517, 667 – science.sciencemag.org/content/292/5517/667

Turchin, 2008, Arise ‘cliodynamics’, Nature, 454, 34 – doi.org/10.1038/454034a

Kelley et al., 2015, Climate change in the Fertile Crescent and implications of the recent Syrian drought, PNAS, 112, 11 – doi.org/10.1073/pnas.1421533112

Solutions climatiques

@adobe, Smuki

Il n’y a pas de solution simple à la question climatique, mais il existe des solutions partielles qui pourraient être mises en œuvre aujourd’hui pour ralentir la progression du désastre climatique, et des éléments sociétaux qui doivent être modifiés si l’on veut éviter un effondrement total. Un aspect est pratique (transformer notre relation à l’utilisation de la terre, de l’énergie, de la nourriture et des ressources); un autre est culturel (économique, social, politique).

Pour éviter un crash climatique, nous devons d’abord nommer ses causes. Le modèle économique capitaliste actuel de croissance (exponentielle) et sans fin sur une planète finie est clairement insoutenable: par définition, cela signifie qu’il doit s’arrêter.

La seule question est de savoir si nous choisirons d’y mettre fin ou si cela se terminera par l’effondrement du système. Les émissions de gaz à effet de serre et la destruction de l’environnement sont largement le résultat de  l’expansion des entreprises et de l’industrie. La plus grande partie de la consommation – qui augmente massivement depuis le début de l’ère néolibérale – provient des plus riches du monde, les 10% les plus riches contribuant à environ la moitié des émissions personnelles mondiales.

La lutte contre la discrimination de genre, la disparité des richesses et les inégalités sociales est au cœur du combat contre la dégradation du climat et l’injustice climatique. Bien que certains interpréteraient ces propositions comme intrinsèquement idéologiques, ce sont des conclusions qui émergent d’une démarche scientifique solide.

Le capitalisme – en particulier dans son incarnation néolibérale moderne – doit être abandonné ou transformé jusqu’à être méconnaissable si la civilisation humaine veut survivre.

Le modèle économique actuel sous-tend pratiquement tous les aspects de l’organisation de la société, mais il n’est souvent pas directement visible. Les fermes modernes, dans le cadre d’une compétition acharnée avec leurs concurrents, donnent des antibiotiques au bétail, utilisent des pesticides tueurs d’insectes et détruisent l’habitat de la faune sauvage pour y planter des monocultures rentables; les technologies sont souvent programmées pour l’obsolescence, de sorte que les appareils doivent être régulièrement rachetés; la publicité implacable rend les gens malheureux afin de les pousser à consommer. Pour échapper à la destruction du monde naturel, les préceptes qui sous-tendent cette réalité doivent être combattus.

Sur le plan immédiat et pragmatique, les émissions de carbone doivent être réduites de toute urgence. Tout ce qui est possible doit être fait pour restaurer et pérenniser les écosystèmes: cela pourrait réduire environ un tiers des émissions de carbone nécessaires et apporter des avantages supplémentaires incalculables (en termes de santé, de sécurité hydrique et alimentaire, de résilience aux catastrophes environnementales, etc.). Le secteur agricole doit être transformé pour révolutionner notre rapport à la nourriture et à la terre. Le logement doit être repensé avec l’efficacité énergétique comme premier objectif. Les systèmes énergétiques doivent être revus pour que notre approvisionnement se fasse uniquement via des technologies durables. Ces solutions nécessitent certes des investissements, mais nous laissent finalement plus riches, en meilleure santé et plus heureux. Quoi qu’il en soit, le coût de l’inaction correspond à la somme totale de tout ce qui a été construit par l’homme au cours des derniers millénaires; l’inaction sort donc systématiquement perdante de n’importe quelle analyse coût / bénéfice.

Lecture recommandées

Schröder & Storm, 2020, Economic Growth and Carbon Emissions: The Road to “Hothouse Earth” is Paved with Good Intentions, International Journal of Political Economy, 49, 153 – doi.org/10.1080/08911916.2020.1778866

Hickel & Kallis, 2019, Is green growth possible?, New Political Economy, 25, 4, 469 – doi.org/10.1080/13563467.2019.1598964

Otto et al., 2020, Social tipping dynamics for stabilizing Earth’s climate by 2050, PNAS, 117, 2354 – doi.org/10.1073/pnas.1900577117

New Weather Institute, Advertising’s role in climate and ecological degradation – static1.squarespace.com/static/5ebd0080238e863d04911b51/t/5fbfcb1408845d09248d4e6e/1606404891491/Advertising%E2%80%99s+role+in+climate+and+ecological+degradation.pdf

Griscom et al., 2017, Natural climate solutions, PNAS, 114, 44, 11645 – doi.org/10.1073/ pnas.1710465114

Ramanathan et al., 2019, Bending the Curve: Climate Change Solutions – escholarship.org/uc/item/6kr8p5rq

The Drawdown Review 2020 – www.drawdown.org/drawdown-review

Résistance non violente

©etatdurgence, ab

Pour réussir, les militants doivent être motivés à la fois par des considérations éthiques et pratiques. Si le pourquoi de la résistance est intimement lié aux questions de principe, le comment de la résistance est également une question se prêtant particulièrement bien à l’exercice de la recherche scientifique. En considérant les soulèvements et les campagnes historiques, nous pouvons évaluer différentes tactiques et approches de la résistance afin de déterminer ce qui fonctionne et quels sont les dénominateurs communs aux succès.

La résistance non violente repose sur l’application de l’entêtement humain: le refus de coopérer, le fait de braver l’interdit et de perturber.

  • Elle utilise un large éventail de stratégies: protestations, manifestations, actions directes, grèves, non-coopération, etc.
  • Elle peut inclure le développement d’outils alternatifs, tels que l’entraide et la création de réseaux éducatifs.

Tous les gouvernements comptent sur la coopération et l’obéissance pour se maintenir en place. Lorsque cette coopération n’a plus lieu, les gouvernements peuvent se révéler étonnamment fragiles.

Dans une série d’études révolutionnaires, dirigée par Erica Chenoweth, l’hypothèse courante selon laquelle la résistance violente est plus efficace que la non-violence a été examinée et finalement rejetée. En étudiant des centaines de soulèvements depuis 1900, on constate que la résistance non violente est plus efficace que la résistance violente (que ce soit dans des démocraties, des autocraties ou des monarchies), réussissant environ deux fois plus souvent. Pratiquement aucun régime n’a résisté à la participation de 3,5% de la population au plus fort de la campagne, alors que même les campagnes qui ne mobilisent que 0,1% sont couronnées de succès près d’une fois sur deux. Les principales raisons à cela peuvent être résumées en deux volets:

  • Les tactiques non violentes peuvent mobiliser des secteurs bien plus larges de la société, étant considérées comme plus légitimes (plutôt que de mobiliser massivement des hommes jeunes et valides – en effet, la large participation de femmes est un indicateur particulièrement fiable du succès futur d’une campagne en cours)
  • La répression des campagnes non violentes risque de se retourner contre les oppresseurs, poussant des gens à rejoindre le mouvement (y compris certains des acteurs étatiques) et réduisant la légitimité du régime qu’ils cherchent à renverser.

En outre, les cas réussis de résistance non violente sont bien plus susceptibles d’être suivis par des conditions souhaitables (par exemple, stabilité accrue, démocratie, liberté) que leurs homologues violents. Dans l’ensemble, la littérature scientifique indique clairement que les militants devraient opter strictement pour la résistance non violente s’ils souhaitent réussir, même en l’absence de considérations éthiques.

Lecture recommandées

Sharp, 2003, There Are Realistic Alternatives, The Albert Einstein Institution – www.aeinstein.org/wp-content/uploads/2013/09/TARA.pdf

Stephan & Chenoweth, 2008, Why Civil Resistance Works, The Strategic Logic of Nonviolent Conflict, International Security, 33, 1, 7 – www.belfercenter.org/sites/default/files/legacy/files/IS3301_pp007-044_Stephan_Chenoweth.pdf

Chenoweth, 2019, Women’s Participation and The Fate Of Nonviolent Campaigns, One Earth Future Foundation – dx.doi.org/10.18289/OEF.2019.041

Chenoweth, 2020, Questions, Answers, and Some Cautionary Updates Regarding the 3.5% Rule, Carr Center for Human Rights Policy – carrcenter.hks.harvard.edu/files/cchr/files/CCDP_005.pdf

Chenoweth, 2020, The Future of Nonviolent Resistance, Journal of Democracy, 31, 3, 69 – doi.org/10.1353/jod.2020.0046