Dernière modification le 17-7-2022 à 15:27:17
Un futur heureux et durable !
La chronique
Comme chaque matin, excepté les jours où je vais donner un coup de main au maraîcher bio et ami d’à côté, je me réveille sans alarme, à peu près avec le soleil. Kaya est sortie depuis peu et Stacey m’attend déjà sur le pas de la porte :
– Bonjour Laurent, bien dormi ?
– Bonjour Stacey, comme un être libre et toi ?
– Moi aussi, j’ai juste eu de la peine à m’endormir. Je me remémorais ce que tu m’avais dit il y a quelques jours…
– Ah oui ? Et de quoi s’agissait-il ?
– Tu sais bien, tous ces pauvres humains qui vivent hors sol, dans leurs clapiers de béton presque sans nature ni vie, et dont la plupart restent quasi-immobiles devant un écran la moitié de leur temps éveillé. Je trouve ça effrayant. Peut-on d’ailleurs réellement parler de Vie ?
– Pas étonnant qu’ils détruisent tout ensuite, ajouta Kaya qui venait d’apparaître au coin de la micromaison. Si j’avais pareille existence moi aussi j’aurais besoin de fuir cette « vie » le plus loin possible et le plus souvent possible.
– Justement, les seules solutions qu’on leur propose sont des palliatifs qui concernent presque exclusivement des objets ou des services à acheter comme des vacances, un voyage, une nouvelle voiture, une télévision, un équipement sportif, un soin, etc. Ils se rendent fou pour gagner de l’argent et sont ensuite forcés de soigner leur folie par l’achat, c’est un cercle vicieux qui les rend esclaves.
– Il faut croire qu’ils ont fini par oublier la cause racine de tout ça : leurs vies sont tout simplement merdiques !
– Allons, je te trouve bien sévère ! Tentais-je d’ajouter à ce qui me paraissait devenir caricatural.
– Je ne crois pas, répondit Stacey, après tout vous êtes bien en train de nous faire foncer tout droit vers la mort, ce n’est pas rien. Et dire que pour vous la « bêtise » est une insulte, que dire de l’« humanise » alors ! Vous qui vous trouvez si malin, tout ce que vous aurez réellement réussi à faire aura été de tuer vos propres enfants, sans parler de ceux des autres animaux et des végétaux.
– Et bien, pour une petite discussion matinale je vous trouve bien amères, repris-je. Et d’ailleurs je ne crois pas que les autres animaux soient beaucoup mieux que les humains. Vous avez lu la Ferme des Animaux de George Orwell ?
– Oh oui, répondit Kaya, mais jusqu’à preuve du contraire je n’ai jamais vu de cochons se comporter comme ceux de l’histoire. Ce n’est qu’une allégorie qui doit permettre aux humains de prendre du recul sur ce qu’ils sont et font. À moins que ce ne soit l’humanisation des cochons qui les rendent fous, ça expliquerait tout. Ce serait donc ça l’humanisme ! Ou l’« humanise » plutôt héhé, dit-elle d’un ton sarcastique.
– Et toi alors Laurent, que fais-tu pour faire changer les choses ? reprit Stacey.
– Croyez bien que j’essaie mes amies, mais peu d’humains sont aussi libres que moi. La plupart se sont laissés enfermés par le confort, comme les cochons d’Orwell, et par la norme dictée à leur avantage par les plus fortunés.
– Haha, ces même fortuné.es qui confondent argent et richesse, les pauvres ! Interrompit Kaya. Si iels savaient ce que leur coûte réellement leur fortune, iels s’en débarrasseraient bien vite !
– N’empêche, si je n’avais pas eu ce choc il y a quelques années, j’en serais toujours là moi aussi.
– Et bien continue comme ça, car comme le disent les psychologues qui luttent contre le perfectionnisme mortifère, l’important est de valoriser l’effort et le cheminement, et non le résultat. D’autant plus quand il s’agit d’un problème d’une telle envergure.
C’est sur cette lumineuse conclusion que je pris congé de la poule et de la chatte avec qui je partage ces lieux, afin de poser par écrit l’inspiration procurée par ce riche échange matinal.
Laurent Génial