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28 – Aux braves du parc naturel régional du Marais poitevin !

Dernière modification le 1-6-2022 à 15:25:01

Le Monde, 5 avril 2022. « À La Rochelle, le premier marché de carbone local d’Europe », Planète, p. 10.

L’effarante cruauté des combats engagés à l’encontre du peuple ukrainien n’aura que peu de temps mis en sourdine la « basse continue » en quoi consiste – au quotidien ou peu s’en faut – la succession des indices attestant d’une sûre dégradation des conditions de vie sur notre planète Terre. Au reste, même l’« action spéciale » déclenchée le 24 février par l’armée russe n’a pas tardé à nous ramener à la crise environnementale que nous traversons. C’est ainsi que, dans son édition du 26 mars, la page Planète du Monde titrait : « La guerre en Ukraine, une menace pour la transition écologique » – annonçant que s’émanciper des combustibles russes et répondre à l’envolée des prix de l’énergie risquait fort de se traduire par une relance des productions de charbon, de pétrole et de gaz. Autrement dit : une désastreuse régression. De même, en date du 2 avril, la même page Planète soulignait à quel point la guerre en Ukraine faisait peser sur les productions agricoles une lourde menace et aggravait la flambée des prix.

En de telles conditions, que peuvent les Cassandres du GIEC implorant, en conclusion du troisième et dernier volet de leur sixième rapport d’évaluation, une réduction immédiate et drastique des émissions de gaz à effet de serre (GES) – ce dans tous les secteurs ? Soit, plus précisément : une réduction des énergies fossiles ; l’accroissement des énergies renouvelables, de l’efficacité énergétique et de l’électrification ; les modifications des modes de vie ; une hausse substantielle des financements et une plus grande aide à l’innovation technologique. Oui, que peuvent ces 278 chercheurs émanant de 65 pays dont le rapport se fonde sur l’analyse de 18 000 études scientifiques, lors que tant d’entreprises s’empressent de prendre appui sur la circulation du coronavirus ou sur la guerre en Ukraine pour renier leurs promesses ?

En outre, croit-on avoir fait le tour de l’inquiétante question environnementale avec une quantification précise du CO2 dans l’atmosphère, l’étude des effets liés aux néonicotinoïdes, aux déboisements massifs, au réchauffement océanique, au rétrécissement des grands lacs, à l’affaiblissement du débit des fleuves, à la surpêche, aux périls liés à la ruée sur le lithium, à l’usage abusif des outils numériques… pour ne rien dire de la multiplication des cancers pédiatriques ? Voilà qu’une nouvelle étude alerte sur l’épuisement des pourtant richissimes réserves hydriques logées sous la surface de la terre. Sur leur épuisement et leur corruption. En page 12 du Monde du 22 mars, on peut en effet lire ceci :

« Sous la terre, l’eau n’est pas directement exposée au réchauffement du climat. Mais la recharge naturelle des nappes subit, elle, les modifications des régimes de précipitations, de l’évaportranspiration accrue des végétaux et de l’océan, qui se dilate et pénètre dans les zones côtières. Les hommes, mais aussi les écosystèmes en pâtissent ».

Or il se trouve, écrit Martine Valo, qu’« avec le réchauffement, les longues sécheresses et les épisodes de pluie diluvienne, ainsi que la dégradation générale de la qualité des rivières, les humains vont être de plus en plus dépendants des réserves souterraines. Les pluies et les sources fournissent déjà 36% de l’eau potable dans le monde et restent essentiels dans de nombreuses régions rurales. » Mais quand on sait que les eaux de drainage transportent vers les sous-sols une forte salinité liée à l’agriculture intensive ; quand on ajoute que les nitrates, corollaires des engrais chimiques ou biologiques répandus dans le monde entier, pénètrent en profondeur jusqu’à 24 mètres, flanqués des pesticides et des antibiotiques liés à l’élevage intensif, des résidus d’égouts, de décharges, d’industries, de canalisations ; quand on précise enfin que tous ces résidus pénètrent plus profondément encore le sol via les puits, les exploitations pétrolière, gazière, minière ou le stockage souterrain des déchets… Il y a de quoi frémir en regard de ce qui représente pour nous de très précieuses ressources hydriques.

Ainsi va la marche du monde. Une raison de plus de saluer toute initiative locale s’efforçant de contrer – à sa mesure – l’avance du péril. Comme celle mise sur pied par une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) : la Coopérative carbone de la Rochelle. Une initiative pilote qui commence à faire des émules à Paris, Bordeaux, Le Mans ou Brest – véritable outil technique et financier se promettant, d’ici à 2030, de réduire de 30% les 2 millions de tonnes de CO2 produites par l’agglomération de La Rochelle (28 communes, 170 000 habitants)… et à séquestrer les émissions résiduelles. Pour ce faire, elle finance une série de projets écologiquement vertueux. Notamment, citoyens et entreprises « peuvent, dans l’immédiat, payer pour créer des micro-forêts sur le territoire ou planter des arbres dans le Marais poitevin – une urgence alors que La Rochelle est l’une des villes les moins arborées de France ». Ce faisant, la coopérative vérifie que les projets sont de qualité et n’auraient pu être financés sans les crédits carbones ; elle assure un suivi et une traçabilité dans le temps ; évite les conflits d’usage des sols. Par ailleurs, elle aide entreprises, communes ou citoyens à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et construit des territoires de décarbonisation. Bien d’autres projets encore sont à l’étude : protection des zones humides. Réhabilitation de bâtiments avec réemploi de matériaux. Autoproduction et consommation d’énergie à l’échelle locale. Fabrication de triporteurs à hydrogène….

Pas de quoi toutefois faire taire les sceptiques, relève Audrey Garric, compte tenu des intérêts économiques en jeu : agrandissement du parking à avions de l’aéroport de La Rochelle, extension du port de commerce, omniprésent usage de la voiture… D’où ce constat d’Anne Rostaing, directrice générale de la Coopérative carbone de la Rochelle : « La neutralité carbone en 2040, ça va être très dur. Sans doute qu’on n’y arrivera pas. Mais le fait de fixer une ambition forte nous servira à aller loin ».

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