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22 – Désapprendre l’achat compulsif : une cure impérative !

Dernière modification le 1-6-2022 à 15:25:01

Le Monde, 1er février 2022. « L’utopie d’une mode durable », Économie et entreprise, pp. 18.19

Les faits, d’abord. Sait-on assez que l’industrie de la mode, une des plus polluantes au monde, émet 10% des gaz à effet de serre ? Que la fabrication d’un jeans nécessite 7500 litres d’eau – un chiffre qui à lui seul explique que l’industrie textile soit responsable de 4% du prélèvement mondiale d’eau douce ? Sait-on en outre qu’à travers la planète la production de coton nécessaire à la confection utilise 2,5% des terres arables et 16% des pesticides ? Que l’usage des fibres synthétiques accapare 1,35% de la consommation planétaire de pétrole ? Que le lavage des vêtements rejette 500 000 tonnes de microbilles de plastique dans les océans – soit l’équivalent de 50 milliards de bouteilles en plastique ? Ou que 80% des vêtements, s’ils ne finissent pas incinérés, se retrouvent dans des dépôts illégaux ou des décharges ? – témoins les reliquats des quelque 59 000 tonnes de pièces importées dans le port d’Iquique, non recyclées par l’industrie locale, et qui donc s’entassent dans le désert chilien d’Atacama.
À ces questions, une seule réponse : oui, l’industrie de la mode sait tout cela (un savoir, du reste, dont elle se passerait bien si maintes organisations environnementales ne venaient pas régulièrement le lui rappeler !) Voilà pourquoi, depuis un certain temps déjà, le mot « durable » s’invite sur tous les supports publicitaires possibles et imaginables.
Dans la foulée, Circle Sportwear décide de fabriquer ses vêtements à partir de « matériaux recyclés ou recyclables » ou de fibre de bois. Levi’s plaide pour le « Buy better, wear longer » – à meilleure qualité, usage plus long. Inditex, qui promet de n’utiliser que du coton durable d’ici à 2023, invite ses clients à ramener leurs vieux vêtements dans les magasins de ses huit enseignes, en cela imité par H&M – bon d’achat à la clé. Le japonais Fast retailling lance pour sa part une veste 100% recyclée, jurant qu’en 2030 la moitié de ses vêtements seront fabriqués à partir de fibres recyclées.
Réaction de Maxine Bédat, ex-avocate et fondatrice du New Standard Institut : « Le sujet est devenu très trendy, les entreprises de la mode se disent concernées par le climat. Mais, de fait, les volumes de ventes de l’industrie continuent d’augmenter. En résumé, le développement durable fait grand bruit, mais l’action n’en fait aucun ».
Il convient en effet de préciser que la « mode durable » n’est de très loin pas qu’une question de matière première. Derrière les vertueuses déclarations de nombreuses marques promptes à vanter les mérites de l’économie circulaire et des matières écoresponsables, pointe le bon vieux souci de conserver – bec et ongles – une clientèle toujours plus attentive à « verdir » sa consommation. Mieux encore : elles entendent bien doper leur production et leurs ventes en continuant à si possible faire appel à des pays à faible coût de main-d’œuvre. Et en renouvelant en permanence les collections proposées à des consommateurs à l’intention desquels on crée des valeurs artificielles, associant « l’achat et la consommation à la réalisation de soi et au plaisir » (Dimitri Caudrelier, directeur général du cabinet de conseil Quantis).
Alors ? Quelle cure pour enrayer l’encouragement à l’achat compulsif ? Comment encadrer un secteur toujours prompt à vanter « une mode incroyable à des prix incroyables », quitte à user des slogans les plus lénifiants ? Interdire toute publicité commerciale nuisant au climat », comme le prône Greenpeace ? Pénaliser les stratégies de forte incitation à la consommation ?
Pour sa part, la Fondation Ellen MacArthur plaide pour une autre voie : inciter les consommateurs eux-mêmes à porter davantage et plus longtemps les vêtements stockés dans leurs placards.

 

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