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13 – Consommation responsable – le local au risque du bio ?

Dernière modification le 1-6-2022 à 15:25:02

Le Monde, 27 novembre 2021. « Alimentation : l’essor du local fait de l’ombre au bio », Économie et entreprise, pp. 22-23.

À n’en plus douter, l’un des effets marquants liés à la crise du Covid-19 aura été le fort développement de la vente de produits alimentaires estampillés « locaux ». 66% de Français déclarant à l’IFOP, au mois de juin dernier, être prêts à « acheter plus de produits locaux et made in France, quitte à les payer 10% ou 15% plus chers », voilà qui ne pouvait laisser indifférente la grande distribution. D’autant que le nombre de petits magasins d’alimentation en mode « commerce traditionnel » ne cesse de fleurir – garantissant à leur clientèle une livraison « sans intermédiaire » fournie par des producteurs de proximité. Aussi, au sein des grandes surfaces, a-t-on pu voir paraître divers rayons vantant des produits mieux identifiés quant à leur provenance, donc faisant le jeu des fournisseurs régionaux – maraîchers, charcutiers, crémiers, microbrasseurs, etc. – situés, a-t-on eu soin de préciser, à moins de 20, 30 ou 100 kilomètres des points de vente.

Du marginal encore, peut-être bien, mais la tendance est nette. D’autant qu’à y réfléchir, comme cela se dit au sein du conseil d’administration de la multinationale Auchan, douzième distributeur mondial : « À un moment donné, on va avoir un problème d’approvisionnement et on devra avoir des circuits courts, notamment à cause de la taxe carbone, qui un jour ou l’autre va être mise sur l’ensemble des produits ».

L’ennui, c’est qu’à l’inverse de ce qui se passe pour les magasins d’alimentation « en circuit court » vantant les charmes et les vertus du petit producteur local, pour ce qui touche aux produits issus de l’agriculture biologique la tendance s’inverse ; tant et si bien que le progressif tassement des ventes des produits « bio » ne cesse d’inquiéter celles et ceux qui, dans leurs pratiques, ont choisi de se consacrer à une agriculture strictement respectueuse de l’environnement. Une inversion de tendance ayant parfois même conduit à « déclasser » certains surplus de production. Dans le domaine laitier, notamment, où l’on a vu le lait se vendre comme un lait conventionnel sans OGM… dévalorisation à la clé. Idem pour les œufs.

Un résultat partiellement dû au fait que les jeunes, moins au courant des enjeux économiques, consomment volontiers bio tandis que « les populations plus âgées, entre 25 et 60 ans, plus matures, davantage préoccupées par des questions de protectionnisme des produits français », optent pour le local ? Est-ce là, plus généralement, une question de porte-monnaie – les produits bio s’avérant en moyenne 20% plus chers que ceux dits « de proximité » ?

Dès lors, avant que trop d’agriculteurs ne soient tentés d’opter pour une catastrophique « déconversion » : comment convaincre le consommateur ? Comment faire en sorte de lui prouver que la différence de prix des produits siglés AB est bel et bien justifiée par une démarche plus rigoureuse ? Qu’il peut y avoir péril à ériger le protectionnisme en valeur supplantant le respect de l’environnement… si « sympathiques » que puissent être des cagettes aux tarifs écrits à la craie sur des ardoises  ?

Comme le souligne Isabelle Petitpas, éleveuse membre de la filière laitière écologique Biolait : « Nous nous sommes endormis sur nos lauriers. Beaucoup de labels sont apparus, avec le lait local, de pâturage, les produits sans résidus de pesticides, les consommateurs sont perdus. Il faut réaffirmer ce qu’est le cahier des charges bio ».

Des propos auxquels Pierrick de Ronne, président de l’enseigne Biocoop, fait écho en prenant à parti les responsables politiques : « Il y a une dynamique de dilution du label bio avec la mise en avant du label HVE (haute valeur environnementale), qui n’a quasiment aucun impact sur la biodiversité et l’environnement. Quand le gouvernement présente un plan pour l’agriculture à l’horizon 2030, pas un mot n’est dit sur le bio. Or, on a besoin d’un signal politique ».

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