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11 – Les tueurs d’abeilles et les « mesures cosmétiques »

Dernière modification le 1-6-2022 à 15:25:02

Le Monde, 24 novembre 2021. « Le plan “pollinisateur” critiqué de toutes parts », Planète, p. 8

On s’en souvient peut-être : interdits en France depuis 2018, les insecticides néonicotinoïdes – ces « tueurs d’abeilles » avérés – étaient, suite à une décision du Parlement, réintroduits en novembre 2020. Une décision courant jusqu’au 1er juillet 2023 et destinée à sauver les producteurs de « betteraves sucrières ». Or voilà qu’une année plus tard – soit ce 21 novembre –, un plan « pollinisateur » vient d’être présenté par le gouvernement. Un plan conçu en remplacement de l’arrêté « abeilles » de 2003 interdisant l’utilisation d’insecticides pendant la période de floraison (à l’exception de produits autorisés de manière dérogatoire après évaluation des risques). Plan qui, « modifié à la marge » en dépit de près de 17 000 contributions apportées au terme d’une consultation publique, a don de fâcher et les syndicats apicoles et les associations de défense de l’environnement.

L’objet du vif mécontentement ? Outre que les fongicides, herbicides, insecticides et acaricides devront être évalués avant de pouvoir être utilisés, « leur épandage ne sera autorisé qu’à partir de deux heures avant le coucher du soleil ». Une mesure qui ne tient pas compte de la recommandation de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) émise en 2019 – laquelle préconisait que les traitements phytopharmaceutiques ne soient appliqués qu’après le coucher du soleil. Après donc qu’ait pris fin l’activité de butinage qu’on sait liée à la luminosité.

Réaction de l’Union nationale de l’apiculture française (UNAF) : « Autoriser les traitements deux heures avant le coucher du soleil ne protègera pas les abeilles, d’autant que la température [qui devrait absolument être inférieure à 12oC] n’est pas prise en compte dans l’arrêté ».

Du côté de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) et des jeunes agriculteurs, on salue bien sûr la possibilité de traiter les cultures deux heures avant le coucher du soleil ; seulement, on voudrait également pouvoir le faire le matin.

Enfin, aux yeux de Pollinis, l’association de protection des pollinisateurs, ces nouvelles mesures, estimées n’aider que marginalement les abeilles domestiques, « contraintes de plus en plus souvent de butiner dans les grandes cultures et les vergers saturés de pesticides », font fi des innombrables espèces de papillons de nuit – incontournables pollinisateurs dont les populations s’effondrent en France comme en Europe.

On rétorquera que le plan « pollinisateurs » prévoit diverses dérogations, comme la possibilité de traiter à toute heure dès lors que la température est trop basse pour permettre la présence des abeilles. « Trop basse » oui, mais sans pour autant que les seuils de température soient précisés.

Au moment où, selon la revue PLOS One, entre 1989 et 2016, plus de 75% de la biomasse d’insectes auraient disparu des paysages représentatifs des campagnes d’Europe occidentale, Pollinis tire la sonnette d’alarme : « La situation des pollinisateurs est trop grave pour que le gouvernement se permette d’annoncer triomphalement des mesures cosmétiques ».

Pendant ce temps, l’écoulage des herbicides prend l’ascenseur. Plus 42% en 2020 pour le glyphosate (8 600 tonnes écoulées). Autre herbicide controversé, le très volatile prosulfocarbe, dont on connaît la tendance à allègrement dériver sur de grandes distances et ainsi abîmer les cultures biologiques voisines, est lui aussi en forte augmentation.

Maigre consolation : les substances cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques avérés (CMR1) ou présumés sont en baisse. Quant aux mutagènes ou reprotoxiques suspectés (CMR2), leur vente a stagné entre 2019 et 2020.

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