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Il ne faut pas sauver que le climat, bon sang !

Dernière modification le 10-7-2023 à 18:33:36

Le podcast

Temps de lecture 04:04 minutes

Aujourd’hui se multiplient des mobilisations écologiques de toutes sortes pour demander des mesures urgentes pour « sauver le climat ». Dans les médias, elles sont régulièrement relayées et il est donc plus souvent qu’avant question du climat. C’est l’une de nos urgences fondamentales, à l’instar de l’effondrement de la biodiversité. Mais il ne faut surtout pas se limiter à ne traiter comme urgente que la seule question climatique. C’est même dangereux.

Un marketing massif est prêt à récupérer une mobilisation qui serait trop exclusivement « climatique ».

En effet, si on focalise l’attention uniquement sur le climat, certains milieux économiques et politiques sont prêts à prendre le relais avec une proposition miracle, qu’on pourrait rapidement résumer sous le titre de « capitalisme vert ». Contre le dérèglement climatique, il y a toutes sortes de « solutions » à vendre : éoliennes en masse, rehaussement des barrages hydrauliques, panneaux solaires tous azimuts et répandus dans la montagne, énergie nucléaire, voitures électriques individuelles (même des SUV !), écologie par la numérisation généralisée (les fameuses « Smart cities ») ainsi que toutes sortes d’objets qui seront systématiquement qualifiés de verts, de propres, de durables ou encore d’écoresponsables (en attendant de nouvelles trouvailles des créatifs publicitaires avec de nouveaux « éléments de langage »). Un marketing massif est prêt à récupérer une mobilisation qui serait trop exclusivement « climatique ».

Le  scientifique suédois Johan Rokström, avec son équipe, a identifié 9 limites écologiques planétaires qu’il ne faudrait en aucun cas dépasser. Aujourd’hui, six de ces limites sont d’ores et déjà considérées comme dépassées. La limite climatique n’est que l’une de ces limites.

Si l’on engage tous les moyens techniques et économiques disponibles pour « sauver le climat », mais que cela se fait au détriment de la biodiversité et de la protection des milieux naturels, en recourant à des quantités massives de ressources minérales (grâce à une augmentation de l’extraction des minerais dans les mines) ou en répandant de nouvelles pollutions, on ne fera que repousser le problème un peu plus loin dans le temps, ou sur d’autres peuples de la Terre, ou encore au détriment des autres formes de vie. Nombreux sont ceux qui se tiennent pourtant prêts à ce type de choix, il s’agit de ne  jamais l’oublier, car ils ne souhaitent pour rien au monde remettre en question notre sacro-saint « mode de vie ». La majorité, aujourd’hui encore, semble préférer chercher de nouvelles sources d’énergie et de matériaux, sans égard pour les conditions de vie des pays qui abriteront la production de ces ressources, qu’envisager de diminuer nos prétendus « besoins ». Même si ceux qui se sont clairement avérés inutiles, futiles voire carrément nuisibles.

Aujourd’hui, on voit qu’une nouvelle mutation du système économique est prête…

Ces enjeux ne sont pas nouveaux. Tout cela a été énoncé clairement il y déjà plusieurs décennies. Mais des intérêts économiques bien organisés ont jusqu’à présent réussi à convaincre qu’il fallait continuer, développer de nouvelles technologies, de nouveaux marchés, encourager la croissance, toujours aller de l’avant, toujours plus loin, toujours plus vite et plus massivement ! Au moment où il aurait dû devenir enfin clair pour tous qu’il fallait un freinage d’urgence, au plus tard pendant les années 90, on a encore réussi à créer de nouveaux besoins qui se sont répandus avec une facilité déconcertante au sein de la population. Et on continue, encore et encore. Aujourd’hui, on voit qu’une nouvelle mutation du système économique est prête. Il s’agit d’une « économie verte » qui servira beaucoup plus à relancer la croissance économique qu’à sauver ce qui peut encore l’être des différentes formes de vie sur cette planète.

Lorsque les scientifiques ou les militant·e·s réussissent à capter l’écoute des médias, la mobilisation acquiert un certain poids. Il devient alors impératif de se garder de jouer le jeu de ceux qui ne cherchent qu’à amplifier la dévastation générale par de nouveaux moyens (« verts » et « propres »). Une vision à courte vue qui va permettre de temporiser quelque peu, mais qui ne va pas freiner la catastrophe en cours. Il faut absolument éviter de se faire manipuler par les seuls qui ont quelque chose à gagner dans ce désastre planétaire et qui ne se demandent jamais comment on fera dans 30 ans quand il faudra remplacer massivement les installations « vertes » qu’ils auront répandues partout. C’est une fuite en avant implacable qui tente d’éluder la question qui devrait être prioritaire aujourd’hui, celle de la détermination des besoins réels auxquels nous devrions nous cantonner.

Daniel Schöni

 

 

 

 

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