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49 – Où il est montré que les matières synthétiques tardent à quitter la scène.

Dernière modification le 13-2-2023 à 8:57:11

Le Monde, 3 janvier 2023. « Le jetable dans les fast-food, c’est (presque) fini », p.6.

En ces premiers jours de l’année 2023, on voudrait tant s’accrocher quelques semaines encore à une poignée de perspectives un minimum plus encourageantes que ce que l’actualité nous sert jour après jour à propos de l’environnement. À celles, notamment, qui figuraient dans ma chronique précédente. À ce propos, il vaut de signaler qu’en France voisine, le 6 décembre de l’an passé, Christophe Béchu, ministre de la transition écologique, faisait fort en twittant le message suivant : « Le jetable dans les fast-foods, c’est vraiment fini ». Une référence explicite à l’interdiction, destinée à entrer en vigueur dès le 1er janvier, de toute vaisselle jetable dans la restauration – et ce pour un repas pris sur place.

Vrai de vrai ? Après le bannissement des pailles et couverts jetables, serions-nous enfin engagés sur le long chemin censé mener, à l’horizon 2040, à la sortie du plastique à usage unique ?

Imaginez : une économie de 20 milliards de couverts, gobelets, assiettes et autres contenants représentant 150 000 tonnes de déchets de la sorte épargnés chaque année, fruit des quelques 6 milliards de repas annuels servis dans à peu près 40 000 établissements particulièrement visés… La cure est conséquente autant que réjouissante !

Seulement… Seulement il se trouve que, dans plusieurs chaînes et établissements visés, pris à défaut, on tergiverse et plaide : « Nous ne sommes pas encore prêts ». Ici, tel chef d’équipe confie, sous le sceau de l’anonymat, n’avoir pas été mis au courant de la nouvelle réglementation. Et puis, dans certains restaurants – argumente la directrice de la communication pour Burger King – « il a fallu pousser les murs pour faire rentrer ces nouveaux équipements pour laver la vaisselle à haute température dans les cuisines millimétrées ».

Autre problème ; la gestion des consommateurs. Comment les inciter à retourner les nouveaux contenants… et non à repartir avec ? La solution adoptée par la société Pyxo, spécialisée dans les systèmes de réemploi pour la restauration, serait-elle celle de l’avenir : équiper le matériel de puces permettant de suivre à la trace la clientèle indélicate ?

Et puis, petit détail qui pèse lourd : l’obligation d’utiliser de la vaisselle réutilisable ne s’applique, écrit le journaliste Stéphane Mandard, que pour les consommations prises sur place – et ceci quand la vente à l’emporter peut constituer, dans certains établissements, jusqu’à 70% du chiffre d’affaires. Alors ? Disposer d’une vaisselle diversifiée pour, en définitive, somme toute peu de matériel épargné ?

En outre, précisons que la mesure a été limitée aux seuls établissements qui peuvent accueillir au moins vingt convives. Quid des nombreux autres commerces ? Sans compter que les sanctions financières prévues ne sont pas fatalement de nature à dissuader les fraudeurs. Tant et si bien que Zero Waste France et la Fondation Surfrider Europe en appellent directement aux consommateurs, les invitant à « sanctionner les enseignes qui ne respecteraient pas la loi, en ne s’y rendant plus ».

De matières synthétiques, il en est encore question dans un article situé en bas de cette même page 6 du Monde, mais sous la plume de Florence Traulé. Il y est fait état des tests de filets de pêche biodégradables effectués en mer d’Opale. L’enjeu d’une telle innovation serait de pouvoir se passer des filets classiques en nylon – lesquels, perdus en mer, représentent une importante source de pollution et de pièges pour les espèces marines. Une substitution qui ne va pourtant pas sans générer des problèmes financiers. Ainsi, selon le fileyeur Kevin Truchon : « On est conscients qu’il faut protéger les fonds marins, c’est évident, mais les filets sont le premier poste de dépense après le carburant. Ça a beaucoup augmenté récemment, c’est de la folie. Sur un an j’en ai pour 20 000 euros ! »

Deux jours plus tard, de nouveau dans les pages Planète du Monde, il est question de ces plastiques décidément très encombrants. À Saint-Leu, sur la côte ouest de l’île de la Réunion, se trouve un aquarium consacré aux tortues marines. Des soigneurs y accueillent les tortues pélagiques qui se sont accrochées à l’une des lignes utilisées par les pêcheurs palangriers. Or ce qu’ils recueillent dans les bassins où ces reptiles sont placés est de nature édifiante : bouchons, emballages, cordages, débris de bidon et de connectique informatique. Stéphane Ciccione mentionne même : « un petit soldat, une figurine de rhinocéros, une brosse à dents, une fourchette. Nous ne voyons que les macroplastiques. Mais il y a autant de microplastiques qui, eux, sont trop petits pour être retrouvés ».

Or, écrit Jérôme Talpin, le constat devient alarmant. On a en effet pu observer que les tortues étaient toujours plus impactées par le plastique. En 2007, seules 17% des tortues caouannes récupérées en mer et soignées à Kélonia avaient ingéré du plastique. Depuis 2013, ce taux oscille entre 80% et 90 %. Il était même de 93% en 2021, selon les données de Margot Thibault, doctorante au laboratoire Entropie de La Réunion. De quoi parler de « soupe de plastique » dans l’océan Indien !

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