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45 – Engraissés par l’agro-alimentaire : engraissez donc l’industrie pharmaceutique !

Dernière modification le 21-11-2022 à 20:39:07

Le Monde, 19 novembre. « L’obésité, nouvel eldorado espéré des Big Pharma », Économie et entreprise, p.20

Une nouvelle vache à lait capable de prendre le relais des formidables retours sur investissement procurés par l’irruption de la Covid-19 ? L’industrie pharmaceutique en rêvait. Or voilà qu’après des décennies ponctuées par une succession de revers, le fantasme promet d’accoucher de bénéfices mirobolants. Pensez donc : alléger à travers le monde le milliard de personnes (dont 650 millions d’adultes) souffrant d’obésité – « première épidémie non infectieuse de l’histoire de l’humanité » au dire de l’Organisation mondiale de la santé (OMS)… L’aubaine fait monter la tension des promoteurs de la Big Pharma.

Premier d’entre les concurrents à la prise en charge d’une maladie dont la progression fulgurante inquiète les autorités sanitaires : le danois Novo Nordisk. L’an passé déjà, cette sixième entreprise pharmaceutique du monde en termes de valeur marché recevait des autorités sanitaires américaines l’autorisation de commercialiser son Wegovy, un traitement sur ordonnance dont l’administration se fait par injection sous-cutanée. Précisons que ce Wegovy est une déclinaison de l’Ozempic – antidiabétique à succès, lui aussi produit par Novo Nordisk et autorisé outre-Atlantique depuis 2017, mais ayant fait ses preuves dans la lutte contre l’obésité. C’est qu’à l’occasion d’essais cliniques, les scientifiques avaient pu constater qu’un tel sémaglutide produisait chez les rats et souris un effet sur les zones du cerveau régulant l’appétit. Dès lors, il s’agissait de rendre le Wegovy plus encore performant. Avec, à la clé, le résultat suivant : 1,5 milliard d’euros empoché par le laboratoire pharmaceutique durant les premiers neuf mois de l’année 2022.

Autre concurrent en lice : le groupe pharmaceutique américain Lilly, classé dixième mondial par le chiffre d’affaires. Son Mounjati obtiendra-t-il l’an prochain l’approbation indispensable ? David Ricks, son directeur, semble n’en pas douter, qui promet un « changement radical » ; soit une prise en charge de l’obésité aussi performante que via « la chirurgie bariatique, mais sans ses inconvénients ».

Suivent – parmi d’autres – l’américain Amgen, leader mondial de l’industrie des biochimies médicales, et Adocia, une start-up française spécialisée dans le traitement du diabète mais qui, de son côté aussi, cherche à développer un médicament contre le surpoids combinant deux hormones. D’où l’appel d’Olivier Soula, son PDG adjoint : « Nous recherchons des partenaires pour mener la suite de ces essais cliniques. »

Attention toutefois ! Précisons tout de suite que les médicaments cités sont destinés à des patients répondant à des critères bien précis – et non pas à un usage esthétique. C’est qu’échecs et scandales jalonnent l’histoire des traitements contre l’obésité. Pour mémoire : le Mediator, un anti-diabétique détourné en coupe-faim, à l’origine de graves atteintes cardiaques, dont certaines furent fatales.

Selon Zeliha Chaffin, l’auteure de cet article, « la mise en garde ne semble pas inutile. Car déjà des dérives se dessinent. En Australie, les publications d’influenceurs vantant sur les réseaux sociaux les vertus amaigrissantes de certains anti-diabétiques ont fait grimper en flèche les prescriptions pour ces médicaments provoquant des pénuries. À Hollywood, la pratique serait devenue monnaie courante chez les stars désirant perdre du poids. Jusqu’au patron de Twitter, Elon Musk, qui confiait, début octobre, sur le réseau social avoir recours au Wegovy ».

De quoi donner meilleure conscience aux chevaliers du « Big Food », du « lowcost », de la « malbouffe » qu’on sait avoir inoculé à la planète entière l’épidémie d’obésité ?

De quoi nous faire baisser la garde quant à l’absolue nécessité de lutter contre un mal contraignant – par la bande – un État comme la France à consacrer 4,9% de son budget santé à l’obésité, au surpoids et aux maladies associées ?

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