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44 – Effondrement de la biodiversité : la preuve par musaraignes et mulots

Dernière modification le 8-11-2022 à 17:02:26

Le Monde, 14 octobre. « Biodiversité : le déclin inexorable des vertébrés » et « Dans les campagnes, une exposition généralisée de la faune aux pesticides », Planète, pp. 10 et 11.

Traquer au quotidien l’accroissement des menaces qui pèsent sur l’environnement en sorte de répercuter ce lot d’exécrables nouvelles – donc d’inciter à davantage de mobilisation –, voilà qui est louable. Seulement, à ce petit jeu, confronté à la profusion des mille et une dégradations émanant d’un peu tous les coins de la planète, comment ne pas peiner à suivre ? Ainsi, ce jour, je réalise avoir omis de rendre compte d’une double page du quotidien Le Monde consacrée à l’érosion de la biodiversité ; un phénomène qui, loin de seulement nous priver de telles et telles espèces, contribue – lois de l’interdépendance générale obligent – à toujours plus fragiliser l’équilibre du Vivant. Si bien qu’au moment même où se déroule la Conférence de Charm el-Cheikh sur les changements climatiques (dite COP 27) – source, on l’imagine, de grands effets de manche puis de nouvelles désillusions –, j’opte pour un retour au 14 octobre. Et choisis de commencer par les résultats de récentes analyses des populations de petits mammifères des zones agricoles françaises (lesquels devraient peu se différencier de ceux enregistrables en Suisse !).

Une équipe d’une vingtaine de chercheurs français et luxembourgeois vient en effet de publier le fruit de ses études portant sur musaraignes et mulots. C’est ainsi que, dans l’organisme de la centaine de ces petits mammifères, entre trente et soixante substances différentes issues d’insecticides, herbicides et de fongicides ont été retrouvées. Plus précisément, une quarantaine ont été détectées sur les trois quarts d’entre eux.

Certes, d’aucuns argumenteront que de telles substances proviennent de produits interdits parfois de longue date, mais qui persistent dans les écosystèmes. Dans les faits toutefois, explique Clémentine Fritsch (CNRS), co-directrice de l’équipe en question, si ces nouvelles générations de pesticides sont « censées avoir été conçues pour persister moins longtemps dans l’environnement et ne pas s’accumuler le long de la chaîne alimentaire (…), malgré cela, on les détecte aussi fréquemment que les anciennes molécules ». En outre, il s’avère que les animaux capturés dans des parcelles conduites en agriculture biologique ou dans les habitats semi-naturels ne présentaient pas d’expositions inférieures à celles des animaux prélevés sur des champs traités. Non pourtant que l’agriculture biologique ne « sert à rien » ! C’est que l’étendue de tels habitats est « encore loin d’être suffisante pour servir de refuge et atténuer les expositions : les animaux circulent entre les parcelles traitées, non traitées et les habitats, et le lieu de capture ne dit rien des lieux où ils se sont nourris, par exemple ».

Et à présent, élargissons – fût-ce brièvement – le spectre des effets létaux qu’endurent à travers la planète Terre les vertébrés du fait des facteurs que sont le changement d’usage des terres et la fragmentation des espaces (principalement liés à l’agriculture), la surexploitation (pêche intensive, chasse, braconnage…), les pollutions, le dérèglement climatique et la prolifération d’espèces invasives. Selon l’« Indice planète vivante » (IPV) élaboré par la Société zoologique de Londres – laquelle prend en compte 5230 espèces de vertébrés terrestres, marins et d’eau douce –, les populations d’oiseaux, de poissons, de mammifères, d’amphibiens et de reptiles ont décliné en moyenne de 69% entre 1970 et 2018. Colossal ! Entre autres espèces visées, en à peine cinquante ans le nombre de gorilles des plaines a diminué de 80% ; celui des éléphants des forêts d’Afrique de 86% ; des requins et raies océaniques de 71%. Tout aussi alarmant se révèle le déclin des insectes, des oiseaux et des poissons migrateurs particulièrement affectés par l’érection de barrages et autres obstacles (-76%)…

Et à présent : comment enrayer pareille perte de biodiversité ? Selon Véronique Andrieux, nouvelle directrice du WWF France, « il faut protéger plus et mieux les écosystèmes, restaurer ce qui a été dégradé, mais aussi transformer nos modes de production et de consommation, et notamment le système agroalimentaire. Le seul fait de protéger ne suffit pas.

« Plus et mieux protéger » ? De par le monde, une kyrielle d’organisations très souvent volontaires s’y emploient – dont on parle trop peu. Mais quant à « transformer nos modes de production et de consommation » ; soit à limiter les impacts anthropiques… Doutons fort que, d’entre les quelque cent-dix dirigeants qui viennent de défiler sur le tapis rouge de Charm el-Cheikh, il s’en montre une dizaine prête à passer de la parole aux actes.

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