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L’inflation au XXIe siècle et les enjeux écologiques

Dernière modification le 6-9-2023 à 17:02:40

Depuis quelque temps, l’inflation est revenue sur le devant de la scène dans les médias et inquiète de plus en plus la population. C’est d’ailleurs l’un des grands sujets de l’automne en vue des élections fédérales. Depuis plusieurs décennies, l’inflation était restée faible en comparaison historique et semblait un peu oubliée. Or, elle est bien revenue et ronge le « pouvoir d’achat » de la population, en particulier celui des personnes les plus fragiles. Dans un premier temps, on a incriminé la désorganisation économique due à la pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine, mais les instituts économiques se rendent de plus en plus compte que les enjeux de l’inflation actuelle ne se cantonnent pas à ces événements.

L’inflation est généralement définie comme une hausse générale des prix s’inscrivant dans la durée et mesurée par divers indices dont le plus connu est l’IPC, l’indice des prix à la consommation.

De quoi parle-t-on ? L’inflation est généralement définie comme une hausse générale des prix s’inscrivant dans la durée et mesurée par divers indices dont le plus connu est l’IPC, l’indice des prix à la consommation. Selon le rythme de l’augmentation, elle est qualifiée d’inflation rampante (inférieure à 5 %), déclarée (à partir de 5 %), galopante (à partir de 10 à 20 %) ou encore d’hyperinflation quand les prix changent de jour en jour et que la situation n’est plus maîtrisée du tout. La Banque nationale suisse (BNS) considère que les prix sont stables lorsque l’inflation est inférieure à 2 %.

A la base, l’inflation provient généralement d’un déséquilibre entre l’offre globale et la demande globale de biens et de services, la demande n’étant pas satisfaite par l’offre. Cette situation peut provenir de diverses situations comme des pénuries importantes (pendant ou après les guerres notamment), un excès de crédit, une augmentation du coût des facteurs de production. Au sein d’un pays, elle peut également venir d’une « inflation importée » quand la monnaie nationale se déprécie et que les importations viennent à coûter plus cher. On peut d’ailleurs distinguer l’inflation du renchérissement: l’inflation est alors le phénomène fondamental et le renchérissement correspond à l’effet se manifestant par l’augmentation des prix.

Divers néologismes ont germé sur la base du terme « inflation ». On peut noter la stagflation qui définit une situation dans laquelle l’économie stagne tout en faisant face à l’inflation (c’est rare). Plus récemment est apparu le terme réduflation (de l’anglais shrinkflation) évoquant une inflation camouflée par des astuces visant à réduire la taille des produits (par exemple, des bouteilles d’un litre qui seraient réduites à 0,75 litre).

Lorsque l’inflation se maintient à un niveau élevé pendant un certain temps, les augmentations de prix peuvent devenir impressionnantes. Ainsi, une inflation qui se maintiendrait en moyenne à 7 % ferait doubler les prix en une dizaine d’années et une inflation de 14 % en 5 ans. En Suisse, l’inflation est toutefois souvent moins forte que dans les pays voisins, notamment parce que le franc suisse a tendance à s’apprécier contre les autres monnaies sur le marché des changes, ce qui conduit à une baisse relative du prix des produits importés en grandes quantités par notre économie.

L’inflation fait toujours des gagnants et des perdants et constitue donc un enjeu politique.

L’inflation fait toujours des gagnants et des perdants et constitue donc un enjeu politique. Parmi les perdants, il y a les épargnants et les rentiers dont le revenu est fixe et peu ou mal indexé à l’augmentation des prix. Parmi les gagnants, on trouve ceux qui se sont endettés et qui devront rembourser dans une monnaie dévaluée (les collectivités publiques font donc partie des gagnants). Les salariés peuvent se trouver parmi les gagnants ou les perdants selon leur pouvoir de négociation.

Lors d’une période marquée par l’inflation, l’enjeu sera de savoir qui va pouvoir tirer les marrons du feu. Des entreprises peuvent par exemple réussir à maintenir leurs marges de profit en résistant à l’indexation des salaires tout en augmentant les prix. Les loyers peuvent être augmentés en se basant sur les taux d’intérêt indicatifs qui augmentent en période d’inflation, alimentant par là même l’inflation par la hausse des loyers (qui représentent tout de même 22 % de l’indice des prix à la consommation en Suisse).

L’inflation calculée par les statisticiens reflète souvent mal l’inflation ressentie.

D’ailleurs, le calcul du taux d’inflation pose des problèmes. C’est une moyenne qui ne reflète souvent que très mal des situations vécues. L’inflation calculée par les statisticiens reflète souvent mal l’inflation ressentie par les habitants et de nombreuses critiques sont avec raison adressées au mode de calcul de l’indice des prix.

Plus fondamentalement, on se limite trop souvent à une seule partie du phénomène inflationniste. Lorsque le crédit augmente massivement, entraînant une augmentation de la masse monétaire, le phénomène peut aussi s’exprimer sur les marchés financiers (par des bulles financières) ou dans le domaine de l’immobilier. C’est ce que nous avons vécu ces dernières décennies.

Quel rapport entretient donc ce terrible phénomène inflationniste avec les enjeux écologiques qui nous préoccupent, comme l’effondrement de la biodiversité et le dérèglement climatique ?

Les publications économiques s’intéressent surtout aux causes conjoncturelles de l’inflation et ont tendance à ignorer certains enjeux structurels. Or, de nombreux signes pointent vers une inflation qui serait de plus en plus liée structurellement à la raréfaction des ressources, qu’elles soient minérales, énergétiques ou agricoles. Cachée sous des manifestations conjoncturelles, une tendance plus fondamentale est en cause : des sécheresses font perdre des récoltes, des incendies causent de lourdes pertes, les ressources en eau manquent, l’énergie nécessaire devient difficile à obtenir. En ce qui concerne les hausses de prix plus ou moins directement liées au réchauffement climatique, on parle même de heatflation !

Il faut généralement consommer dix fois plus d’énergie aujourd’hui pour extraire du pétrole qu’il y a un siècle. À terme, cela risque fortement de renchérir le prix de l’énergie.

D’autre part, il y a également les enjeux énergétiques. Le taux de rendement énergétique (TRE ou EROI en anglais) de l’extraction des hydrocarbures est à la baisse, et il faut généralement consommer dix fois plus d’énergie aujourd’hui pour extraire du pétrole qu’il y a un siècle. À terme, cela risque fortement de renchérir le prix de l’énergie. Ce phénomène finira tôt ou tard par concerner également certaines ressources métalliques utiles pour produire des énergies renouvelables.

Les éléments structurels qui sont déterminants à long terme pour l’inflation sont essentiellement la disponibilité des ressources et la masse monétaire globale. Or, nos économies ont soigné tous les maux grâce à la planche à billets, qu’il s’agisse de la crise financière de 2008 ou de la pandémie de Covid-19. Aujourd’hui, le taux d’endettement global de l’économie mondiale correspond à plus de 250  % du produit brut mondial. Des agents économiques ont donc déjà engagé des revenus correspondant à la production de plus de deux années à venir. Nul besoin de se demander pourquoi ils sont tant accros à la croissance économique.

Aujourd’hui encore, l’inflation est combattue essentiellement par les banques centrales (en Suisse, la BNS), au moyen d’une hausse des taux d’intérêt, pour agir sur la masse monétaire. Par contre, la question des ressources reste un angle mort. Les enjeux écologiques que nous connaissons bien, entraînant une raréfaction des ressources disponibles, auront un effet sur les prix. Inévitablement, la nature que nos économies tentent vainement d’ignorer viendra présenter la facture. Elle sera salée.

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