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57 – Pollution au plastique : vous reprendrez bien une cuillérée de cynisme !

Dernière modification le 4-7-2023 à 13:21:57

Le Monde, 28 mai-28 juin. La comédie des négociations au chevet de la Terre et autres sujets peu risibles.

Ils sont venus
Ils sont tous là
Dès qu’ils ont entendu ce cri
Elle va mourir la mamma…
(les paroles)

Ce 24 octobre 1963, reprenant à son compte une composition jusqu’alors interprétée par Les Compagnons de la chanson, Charles Aznavour s’apprêtait à cartonner à travers la planète. Quel pathos, en effet ! Difficile d’y résister.

Six décennies plus tard, on apprenait qu’entre le 29 mai et le 2 juin une sorte de remake allait se tenir à Paris. Sauf qu’à cette occasion, « Giorgio, le fils maudit », venu du sud de l’Italie « avec des présents plein les bras », eut fait l’effet d’un plouc on ne saurait plus provincial. Pensez : un millier de délégués de 175 pays et plus de 1500 scientifiques et représentants de la société civile accourus – éplorés – dans la capitale française…

L’heure était grave, car ce qui allait faire l’objet de leur sollicitude n’était plus la sympathique mamma, mais une planète Terre fort mal en point, victime de multiples atteintes – parmi lesquelles un ravageur dérèglement climatique que venait encore aggraver (semblait-on feindre de le découvrir) une production annuelle de plus de 350 millions de tonnes de déchets plastiques.

Dès lors, l’heure semblait plus grave que jamais. C’est que l’on paraissait ne pouvoir se résoudre à la fatalité. Dès lors, mots d’ordre et injonctions fleurissaient. « Sommet crucial ». « L’urgence est à la hauteur de la menace ». « Priorité absolue ». « Étape cruciale ». « Texte de haute ambition ». « Obligations fondamentales potentielles ». « Réduire, réutiliser, réparer et recycler ». Sus donc aux sacs et emballages alimentaires, couverts, assiettes, gobelets, Cotons-Tiges, sachets de thé et lingettes ! Guerre (presque) déclarée aux polymères et additifs chimiques “préoccupants” pour la santé en raison de leurs effets perturbateurs endocriniens, voire cancérigènes !

Autant de défis répercutés en page 6 de l’édition du Monde du 28 mai.

Alors oui : fort d’une atmosphère emprunte de solennité, il allait s’agir d’établir « un traité international juridiquement contraignant d’ici à 2024 ». Soit donc d’aboutir à « l’accord multilatéral sur l’environnement le plus important depuis l’accord de Paris [sur le climat] ». Peut-être même parviendra-t-on à mettre fin à « la pollution plastique à l’horizon 2040 » ?

Certes, l’affaire est entendue : il allait être aussi question du délicat problème lié au financement. Or de ce côté, Stéphane Mandard rappelait que « les États-Unis, premier consommateur de plastique, sont opposés à des obligations globales : ils préfèrent les engagements volontaires dans le cadre de plans nationaux, sur le modèle de l’accord de Paris sur le climat ». À quoi la Chine, premier producteur de plastique, applaudissait. À quoi aussi on devait ajouter dans la balance le poids – considérable – des producteurs de pétrole et de gaz emmenés par l’Arabie saoudite. Mais du moment qu’il en allait de la planète Terre…

Au jour dit, on s’était donc retrouvés au chevet de la grande malade. Et là, dès le début de la rencontre et en dépit des appels du président Macron qualifiant la pollution plastique de « bombe à retardement », force fut de constater que le chœur se faisait méchamment discordant. Cacophonique. En témoigne la déclaration de Christophe Béchu, ministre français de la transition écologique : « On a vécu un début de semaine laborieux avec beaucoup de pinaillages et des manœuvres un peu dilatoires sur des points de procédure qui ont conduit à ce qu’on entre tardivement dans les choses sérieuses ». Arabie Saoudite et autres pays du Golfe, Russie, Iran, Chine, Inde et Brésil ayant refusé que le futur traité soit approuvé par un vote – à la majorité des deux tiers – si aucun consensus n’était trouvé. Ce qui, dans l’édition du Monde du 4 juin, faisait écrire au même Stéphane Mandard : « Après cinq jours d’âpres tractations entre un millier de délégués de 175 pays, le sentiment qui prédomine est pourtant celui d’avoir “perdu du temps” pour arracher in extremis un accord qui n’hypothèque pas la suite du processus d’élaboration du traité ».

Avait-on pour autant progressé ? Selon Joëlle Hérin, spécialiste en consommation durable chez Greenpeace : « Les négociations de cette semaine montrent clairement que les pays producteurs de pétrole et l’industrie des énergies fossiles font tout ce qui est en leur pouvoir pour affaiblir le traité et retarder le processus ».

Alors bon. Il allait s’agir d’élaborer un nouveau couplet un tantinet moins mortifère et révoltant. Qui produise moins l’effet d’une farce sinistre – ou d’une comédie du pire goût. Mais pouvait-on à bon droit y compter ?

Prochaine session d’enregistrement : novembre prochain, au Kenya. Tant que la pauvre mamma Terre respire encore…

En attendant, les titres et sous-titres tirés des pages Planète du mois de juin n’offrent vraiment rien qui puisse réconforter. « Après l’Alberta dans l’ouest du Canada, la Nouvelle-Ecosse dans l’est, la Belle Province fait face à des incendies intenses » (8 juin). « Les présidents du groupe de travail 2 du GIEC alertent sur l’impréparation aux effets du dérèglement climatique » (13 juin). « L’été en Europe est désormais synonyme de climat extrême » (15 juin). « Pesticides SDHI : l’expertise minée par la discorde. Avis divergents et démissions se multiplient au sein du groupe d’experts chargés d’évaluer les risques » (16 juin). « Canicules et mégafeux se déchaînent sur la planète » (17 juin). « Les eurodéputés s’écharpent sur la biodiversité » (17 juin). « Les glaciers de l’Himalaya pourraient disparaître » (21 juin). « Déforestation : je soja accusé. Des ONG dénoncent le rôle du principal exportateur en Europe, le géant Bunge, au Brésil » (22 juin). « La dissolution des Soulèvements de la terre confirmée » (22 juin). « Oslo prêt à autoriser l’exploitation minière des fonds marins » (23 juin). « Dans les bocages, le déclin sans fin des haies » (25 juin). « Malgré les engagements pris lors de la COP26 à Glasgow, la perte de couvert forestier n’a pas ralenti en 2022 » (28 juin). « Le Pacte vert fragilisé après un vote au Parlement européen. La commission environnement de l’Assemblée législative a voté, mardi, le rejet de la loi sur la restauration de la nature » (29 juin).

Une minuscule lueur, pourtant – à ne surtout pas confondre avec « le bout du tunnel ». Elle provient des États-Unis : « Procès climatique inédit dans le Montana. Seize jeunes ont accusé l’État de violer leur droit constitutionnel à un environnement “propre et sain” ».

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