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52 – D’un autre petit tour dans le camp des David – leçon II

Dernière modification le 1-3-2023 à 15:12:43

Arbres à planter, colline à combler et ce que cache souvent la résilience.

« Les braves gens ne courent pas les rues » affirmait Flannery O’Connor (1925-1964) en corrosive écrivaine américaine qu’elle était. D’ailleurs, elle en était si convaincue qu’en 1953, à l’instant de publier un nouveau recueil de nouvelles, elle lui donnait pour titre cette considération que nul, au reste, n’aurait idée de démentir. Or ces derniers temps, force est de constater que – du point de vue environnemental en tout cas – les bonnes nouvelles ne courent pas non plus les rues. Dès lors, comment les repérer en sorte d’éviter de tout à fait désespérer de l’humaine engeance ? Donc de baisser les bras ? Surtout, dans le concert assourdissant – et somme toute terrifiant – des crises mondialisées brassant sécheresses, inondations, ouragans, séismes, déclin des animaux vertébrés et invertébrés, pandémies, empoisonnement de l’air, des sols et des cours d’eaux, etc. ; comment les dénicher, ces quelques bonnes nouvelles relevant, si possible aussi, des régions au sein desquelles nous évoluons ?

Première décision prise : un abonnement au Courrier de Genève. Ceci fait, je ne manquais pas d’interroger mon ami Jacques Poget, sorte de vigie pour tout ce qui touche à la presse. Si bien que dès le lendemain, je recevais – outre trois articles – l’adresse d’un site mis en ligne par la Radio Télévision Suisse. « Suisse Good – Le plein de bonnes nouvelles d’ici ». Son entrée en matière : « Vous avez une envie de faire le plein d’infos locales et positives pour bien démarrer la semaine ? Inscrivez-vous dès maintenant. » Ce que je fis, curieux de voir ce qui, lundi prochain, allait m’être servi. Quant au site anglophone et hispanophone « Good News Network », lui aussi indiqué par Jacques Poget, je me le réservais pour une exploration future.

Outre ces sites, donc, un article tiré de 24 Heures m’avertissait de ce que, d’ici 2050, la ville de Morges entendait planter pas moins de 6600 arbres. Une « solide stratégie d’arborisation » destinée à limiter les pics de chaleur, assurer un meilleur stockage du CO2, une plus grande attractivité de la ville, de même qu’une amélioration de la qualité générale de l’air et de la biodiversité. Ce faisant, afin d’optimiser la qualité de vie des feuillus destinés à être plantés (platanes, micocouliers…), une amélioration de la perméabilité des sols s’avérait capitale. Ainsi, au goudron, on allait substituer pavés et gazon. Mieux encore : la municipalité disait vouloir encourager sa population à participer au projet – les propriétaires locaux en particulier, 63% du territoire morgien étant en mains privées. Une stratégie dans la lignée de celle initiée par Yverdon et Lausanne, et promettant de restaurer certain tissu civique ruiné par le tenace Chacun pour soi.

À présent, convenait-il de considérer comme aussi raisonnablement euphorisant, puisque fruit du recours de trois associations contre l’extension de la carrière du Mormont par le cimentier Holcim ; convenait-il d’applaudir au projet de comblement de ladite carrière dès lors que le Tribunal fédéral soulignait que la production de ciment relève d’une « priorité nationale » ? Car dès lors, que faire ? Ne remplir que l’extension de la Birette ? Prévoir de combler l’intégralité de la carrière sans trop connaître les projets de Holcim et de ses concurrents ? Mais alors quid de l’initiative cantonale visant à protéger la colline ? Et comment procéder, sachant (précisent Erwan Le Bec, Olaf König et Mathieu Rudaz, les trois auteurs de l’article) que « les données permettant de cerner la topographie disparue de la colline, où cumulait un petit sommet de 587 m, sont anciennes et imprécises » ? Nos journalistes de conclure : « Nous sommes en février 2023, la carrière du Mormont continue de se creuser ».

Association pour la Sauvegarde du Mormont (ASM)

Pour finir je m’emparais du troisième d’entre les articles qui venaient de m’être confiés ; article publié dans l’édition de Libération du 25 février et consacré au dernier livre de Rebecca Solnit : Un paradis en enfer. À lui seul, le titre de l’entretien avec l’auteure promettait de bons moments. L’écrivaine n’y déclarait-elle pas que « les catastrophes naturelles portent en elles les leçons de résilience et d’ingéniosité » ? Sur le champ, défilaient bon nombre de drames intervenus un peu partout sur la planète. À San Francisco. Tchernobyl. Mexico… Largement de quoi, pour Rebecca Solnit, évoquer ces « remarquables communautés d’entraide secourant en soignant les personnes touchées ». Ou ces victimes souvent susceptibles de se révéler « calmes et joyeuses ». Et effectivement : qui irait démentir ce fait que les désastres engendrent de prodigieux déploiements d’initiatives solidaires visant à porter secours aux sinistrés : ou telles manières de faire face aux pires tragédies qui vous arrivent – étrangères à tout dolorisme ?

Toutefois, l’homme étant ce qu’il est, l’évocation de ces catastrophes naturelles et des prodiges de solidarité qu’elles pouvaient susciter me ramenait davantage encore aux propos que tient Naomi Klein dans sa percutante Stratégie du choc. Car s’il est exact de dire que les tragédies génèrent des actes proprement lumineux, elles constituent hélas aussi – et peut-être surtout – autant de grands ébranlements psychologiques ; donc de moments propices à encourager petits et grands malins à faire main basse sur les espaces sinistrés en sorte d’en maximaliser les possibles profits ; à démanteler l’État social existant ; à substituer aux chères valeurs démocratiques « la seule loi du marché et la barbarie de la spéculation ».

Naomi Klein écrit : « J’appelle “capitalisme du désastre” ce type d’opération consistant à lancer des raids systématiques contre la sphère publique au lendemain de cataclysmes et à traiter ces derniers comme des occasions d’engager des profits ».

Où donc est confirmé qu’en fin de compte les braves gens ne courent pas les rues… et que les mauvaises nouvelles perdurent.

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