Dernière modification le 13-2-2023 à 17:03:06
Le Monde, 27 janvier 2023. « Climat : des scientifiques tentés par la radicalité », p.13, et quelques autres initiatives à rebrousse-poil.
Mon souhait de davantage me concentrer sur les avancées de la société civile en matière environnementale plutôt que de poursuivre le compte quasi-quotidien des catastrophes engendrées par les Goliath de la finance et de l’industrie ; ce souhait-là ne va pas sans poser problème tant la dissymétrie s’avère faramineuse entre les forces destructrices engagées au nom du sacro-saint Profit et les initiatives ayant pour but de limiter la kyrielle d’impacts gravissimes menaçant – à terme – l’ensemble du vivant. Dans les seules livraisons du quotidien Le Monde : que d’annonces à la fois consternantes et révoltantes, pour si peu d’initiatives citoyennes qui réussissent à franchir le seuil de la visibilité. Reste pourtant que ces dernières ne cessent de se s’accroître et d’en inspirer d’autres. Ainsi, en un peu moins de deux semaines, j’en ai relevé quatre.
27 janvier 2023
« De plus en plus de scientifiques choisissent de passer à l’action »
Lassés de voir leurs pairs prendre connaissance des résultats de leurs recherches sans que se manifeste le moindre effet tangible, de plus en plus de scientifiques choisissent de passer à l’action. C’est notamment le cas de Rose Abramoff, 35 ans – laquelle, en avril 2022, décide de rejoindre Scientist Rebellion, un groupe de scientifiques engagé dans des actions de désobéissance civile émanant du mouvement Extinction Rebellion (XR CH). À son actif : on a pu la voir s’accrocher au portail de la maison Blanche, puis s’enchaîner dans un aéroport de jets privés. Parallèlement, alors que les émissions de CO2 progressent, que les glaciers fondent, que les espèces s’éteignent, toujours plus de climatologues, d’écologues, d’astrophysiciens et d’historiens s’engagent eux aussi dans des actions illégales – tentant de bloquer l’avancée d’excavatrices d’une mine de lignite à Lützerath, Allemagne (article). Se collant les mains à une voiture de luxe dans un showroom de BMW à Munich (article). S’enchaînant à la porte d’entrée du siège de la banque JPMorgan Chase, à Los Angeles… (article) De quoi inspirer bien d’autres interventions toujours plus nécessaires.
3 février 2023
« En France, trente ONG et vingt-huit députés saisissent le Conseil d’État »
En France, trente ONG et vingt-huit députés saisissent le Conseil d’État, lui demandant de réviser les processus de mise sur le marché de pesticides. Pour le coup, après avoir longtemps tergiversé à propos des néonicotinoïdes, il se pourrait que le gouvernement se retrouve contraint de revoir l’ensemble de ses procédures d’autorisation – en sorte que celles-ci prennent davantage en compte leur toxicité. Le voici en tout cas mis en demeure d’inclure, dans tout dossier de demande d’autorisation de produits de ce type, des analyses de toxicité à long terme et de cancérogénicité portant sur des formulations complètes. Précisons que plusieurs publications scientifiques se sont faites fortes de mettre en évidence la présence, dans ces produits, de composés non déclarés par les fabricants : arsenic, plomb, hydrocarbures aromatiques polycycliques et composés perfluorés. Si bien que « la toxicité de ces cocktails que sont les formulations complètes pourrait être très supérieure à celle des substances actives déclarées. »
4 février
« Le gouvernement brésilien prend des mesures afin d’expulser les chercheurs d’or d’un territoire »
Depuis trois jours, décidé à venir en aide aux Yanomami, le nouveau gouvernement brésilien dirigé par Lula da Silva prend des mesures afin d’expulser les chercheurs d’or d’un territoire vaste de 10 000 hectares et qui se trouve gravement pollué au mercure. Au point que ses habitants traditionnels sont devenus les victimes d’une famine inédite. Il est, à ce sujet, utile de préciser que depuis bien longtemps l’orpaillage a cessé d’être une activité artisanale. Désormais mécanisée, sa production s’écoule par avion. Quant à son expansion (+ 632% en Amazonie), elle s’est surtout produite pendant le mandat de Bolsonaro. Selon les organisations autochtones concernées, près de 20 000 chercheurs d’or occuperaient leur territoire, y semant – outre une pollution à vaste échelle – une extrême violence. D’après l’anthropologue Marilia Senlle, « il n’y a jamais eu autant d’armes, d’alcool et de drogue, qui sont en plus utilisés pour enrôler les jeunes Yanomami dans cette activité criminelle ». Outre que près de 1000 malades viennent d’être transférés par hélicoptères dans des hôpitaux de Boa Vista, une soixantaine de tonnes de nourriture ont été largués par l’Armée de l’air.
7 février
« Diviser par deux, d’ici la fin de la décennie, les 170 000 tonnes de nourriture déversées chaque année à la décharge »
Dans une banlieue de Colombus, capitale de l’Ohio, le visiteur ne manquera pas de remarquer une éminence totalisant 75 mètres et que surmontent des étourneaux. Il s’agit là d’une montagne de déchets alimentaires sur laquelle, chaque jour, viennent se rajouter 500 tonnes de nourriture. D’accord, on le savait : en terme général, les Américains cuisent de trop grosses portions, mangent trop, jettent trop et laissent périmer leurs aliments ; si bien qu’un quart des 230 millions de tonnes de nourriture made in USA est ainsi perdu. Et que ces mêmes déchets sont estimés responsables de 4% des émissions de gaz à effet de serre du pays. Les ménages étant les premiers responsables de ce gaspillage (39%), suivis par la restauration (20%), l’agriculture (27%), puis le commerce et l’industrie (7% chacun). Confrontée à de telles accumulations responsables de fortes émissions de méthane (un puissant gaz à effet de serre) consécutives au processus de fermentation, la Swaco (Solid Waste Authority of Central Ohio) – soit la décharge de Colombus en question – a, depuis des années, décidé d’initier une ambitieuse croisade antigaspi tous azimuts. De sensibiliser – y compris par le biais de l’enseignement public – toutes celles et ceux qui pouvaient l’être. Avec pour résultat, en deux ans : une augmentation de 90% des déchets recyclés, tandis que ceux expédiés à la décharge baissaient d’un quart. Soit 2 000 tonnes de moins en 2022 qu’en 2020. « Un travail de fourmi pour arriver à diviser par deux, d’ici la fin de la décennie, les 170 000 tonnes de nourriture déversées chaque année à la décharge. »
Quand on vous dit que les David refusent de baisser les bras…