Dernière modification le 24-10-2022 à 14:52:07
Le Monde, 27 septembre. « Énergies renouvelables : l’essor des projets citoyens », Planète, p. 9.
Tonnerre de Brest : déjà trois semaines sans chronique ! Deux passées en vacances, puis quelques jours occupés à une tâche pressante. Résultat : une trentaine de pages « Planète » en attente de recension. Or dans cette masse, côté pile : très peu d’initiatives encourageantes. Côté face : une vilaine vague de nouvelles accablantes s’appliquant à minimiser les premières. Toujours ce rapport férocement inégal entendant vous convaincre que le mieux que vous puissiez faire est de jeter l’éponge. De plonger votre tête dans le sable. De vous convaincre que les Goliath de l’Industrie ne se laisseront jamais intimider par une poignée de minuscules David… fût-ce au nom de l’habitabilité de notre planète Terre, toujours plus compromise.
Lisez-moi cette poignée d’intitulés et dites-moi s’il n’y a pas de quoi désespérer. « La Somalie menacée d’une nouvelle famine » – « En Bretagne, la loi “littoral” sapée par la course à l’urbanisation » – « Une technique redoutable pour les fonds marins crispe les pêcheurs » – « Dans le Tarn, un forage exploratoire de Danone suscite l’inquiétude » – « Climat : le manque de financement dénoncé » – « Le grand saccage des années Bolsonaro » – « Nouveaux OGM : des experts en conflit d’intérêts » – « L’exposition à la pollution de l’air accroît le risque de cancer du sein » – « Pesticides : l’exécutif sommé de renforcer ses critères d’autorisation » – « Adoption d’un amendement ciblant les associations de protection animale » – « L’agriculture marocaine assoiffe le pays » – « Le nouveau plan de lutte contre les algues vertes déjà contesté » – « Biodiversité : le déclin inexorable des vertébrés » – « Les produits de défrisage augmenteraient le risque de cancer de l’utérus » – « L’agriculture chinoise au défi du réchauffement » – « Pollution de l’air : l’État [français] de nouveau condamné » – « Covid : une 8e vague sévère en Allemagne » – « En 2050, dépasser 30oC en octobre ne sera plus exceptionnel ».
Seulement, il se trouve que désespérer est un luxe que nous ne devrions jamais nous offrir – luxe faisant par trop le jeu d’un Capital décidément peu soucieux de ruiner cet écosystème grâce auquel, jusque récemment, le Vivant a permis de poursuivre son aventure et ses métamorphoses. Aussi convient-il de ne faire en rien la fine bouche en observant l’autre plateau de la balance. Notamment en lisant ce qui suit :
– 27 septembre. « Une part croissante d’habitants et de collectivités s’impliquent dans la production d’électricité décentralisée ». En effet, en France voisine, Énergie partagée, une des principales structures d’accompagnement de ces projets citoyens, en recense aujourd’hui 280 pour environ 30 000 actionnaires. Assurément, de telles initiatives en faveur des énergies renouvelables ne représentent qu’une part très marginale de la production d’électricité. Reste pourtant qu’elles peuvent constituer « un formidable levier d’accélération de la transition » ;
– 28 septembre. La Cour des comptes européenne, jugeant que les captures illicites sont l’une des plus graves menaces pesant sur les écosystèmes marins, appelle à « frapper plus fort ». Dans un domaine où la fraude est massive et se chiffre en millions de tonnes, il en va toujours plus, on le comprend, des efforts déployés pour gérer les captures de manière durable. Donc éviter l’effondrement de certains stocks. Or depuis 2012, sur vingt-sept procédures engagées, seules six ont abouti à un carton rouge (dont un pour le Cambodge et un pour les Comores). D’où le fait qu’en Europe où, notamment, Pologne et Danemark ne respectent pas les règles prescrites, Bruxelles envisage de rendre obligatoire l’utilisation d’un outil informatique appelé Catch permettant de faciliter la détection de la fraude et d’automatiser les contrôles ;
– 29 septembre. Dans le cadre de la lutte ouverte contre la pollution plastique, une coalition d’organisations non gouvernementales regroupant ClientEarth, Surfrider Foundation Europe et Zero Waste France vient de mettre en demeure les groupes Auchan Carrefour, Casino, Danone, Lactalis, McDonald France, Les Mousquetaires, Picard et Nestlé France – soit neuf géants de l’agroalimentaire et de la distribution – pour non-respect du devoir de vigilance en matière de plastique. Commentaire d’un des avocats des associations : « Nous considérons que la mise sur le marché de plastique fait peser un risque majeur sur l’environnement, la santé et les droits humains ». À quand une action du côté de chez Coop, Migros et autres grandes surfaces helvétiques ?
– 13 octobre. En France toujours, le déclassement de deux produits de dégradation – dits « métabolites » – issus de l’herbicide S-métolachlore (lequel pourrait bien se retrouver classé perturbateur endocrinien l’année prochaine) rend enfin l’eau de millions de Français conforme aux normes. Le même article rapporte que, soutenue par plus de 200 organisations de la société civile européenne, l’initiative citoyenne « Save Bees and Farmers » (« sauvez les abeilles et les paysans ») a déjà récolté un million de signatures visant à obtenir l’élimination de 80% des pesticides de synthèse d’ici 2030 et de 100% d’ici 2035 ;
– 21 octobre. À La Clusaz (Haute-Savoie), depuis près d’un mois, une ZAD, émanation de cinq associations parmi lesquelles France Nature Environnement et Mountain Wilderness France, a installé un campement à l’entrée de la future route chargée de desservir une retenue d’eau située à 1500 mètres d’altitude. Retenue principalement destinée à produire de la neige artificielle en un temps où le réchauffement climatique menace le bon fonctionnement des pistes. Ceci au détriment des épicéas, sorbiers et bouleaux du bois de la Colombière ; de ses myrtilles, zone humide, seize espèces de mammifères et trente-trois espèces d’oiseaux protégés qui fréquentent le plateau de Beauregard ! Et quand bien même à une époque où l’énergie est en tension. De quoi contrarier une municipalité partisane de l’usage de brumisateurs à neige. « La Clusaz génère 20 millions d’euros par an, on ne va pas arrêter une belle PME comme ça ! » contre-attaque le chargé de la communication municipale. De quoi aussi encourager l’envoi de menaces anonymes. Y compris à l’attention de Jacques Agnellet, 62 ans, fort dubitatif quant à la stratégie du toujours plus. « Les élus pensent toujours que leurs projets sont légitimes, en refusant de dialoguer avec les associations. Voilà cinquante ans que c’est comme ça. Mais les experts disent tous qu’il faut entamer une transition, il va falloir apprendre à s’écouter ».
On le constate : les pires mauvaises nouvelles n’ont pas l’art de terrasser les amis de la Terre ! À chacun d’entre nous d’en prendre de la graine – où qu’il se trouve.