Dernière modification le 1-6-2022 à 15:25:03
Le Monde, 16 novembre 2021. « Un épisode de pollution extrême asphyxie 30 millions d’Indiens », International, p. 6.
On ne connaît pas son nom. Du moins Sophie Landrin ne nous le livre pas. Il n’empêche : le 13 novembre dernier, à l’initiative d’un étudiant de New Delhi, capitale de l’Inde, la Cour suprême a sévèrement tancé le premier ministre Narendra Modi et son ministre de l’Environnement pour leur total manque d’intérêt face à ce qui s’avère pourtant – selon la revue médicale The Lancet – un fléau à l’origine de 1,6 million de décès annuels.
Qu’on y songe seulement : un chauffeur de taxi de la capitale qui confesse : « Lorsque je fais des gargarismes avec de l’eau chaude salée, comme me l’a conseillé mon médecin pour nettoyer ma gorge, je crache noir », le fait a pourtant de quoi marquer les esprits. D’autant que depuis quinze jours déjà, la pollution s’avère si intense que, jusqu’à l’intérieur des maisons, bien des gens disent devoir porter un masque. Particules fines, monoxyde de carbone, oxydes d’azote, ozone, dioxyde de soufre… tout participe à rendre l’air irrespirable. À agresser gorge et poumons, À provoquer des maux de tête lancinants. Ainsi depuis dix ans, surtout lors du retour d’un automne ponctué par les millions de bougies et pétards qu’on se fait une joie d’allumer à l’occasion de Divali, le « festival des lumières » que célèbrent les Hindous en l’honneur du retour de Rama à Ayodhya. Par force brûlis agricoles aussi, dans les campagnes avoisinantes. Par la combustion des déchets.
Cette combustion des résidus de la récolte de riz a beau être interdite, elle demeure très prisée dans la mesure où elle permet de ressemer plus vite. De sorte qu’entre le 1er et le 13 novembre, selon les images satellites de la NASA, la bagatelle de 57 263 feux a été signalée… les paysans ayant jugé trop lente l’action du produit biodégradable qui leur est proposé. L’aide à la mécanisation ? Une aubaine, s’agissant de nourrir la corruption !
Enfin, en dépit des demandes répétées de Delhi, les centrales électriques à charbon du Pendjab, de l’Haryana et de l’Uttar Pradesh s’entêtent à déverser sur le pays leur air vicié.
La Cour suprême, qui vient d’exiger des mesures drastiques comme le confinement de la population ou l’arrêt de la circulation automobile, a en outre décrété la fermeture des écoles durant une semaine. Les entreprises de construction, émettrices de poussière, ont, quant à elle, dû suspendre leurs activités trois jours durant. Mais après ?
Et à présent, posons-nous la question : que serait-il advenu en termes de sinistres si un étudiant improvisé lanceur d’alerte, un simple membre de la société civile, n’avait pas décidé de saisir la Cour suprême de son pays. Pays qui, par ailleurs, lors de la COP26, vient de refuser de mentionner l’extraction du charbon dans sa déclaration finale.
Un exemple à surtout méditer.