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26 – À qui profite le crime ? À Jair Bolsonaro, parmi d’autres

Dernière modification le 1-6-2022 à 15:25:01

Le Monde, 7 mars 2022. « Au Brésil, de nouvelles menaces pèsent sur la forêt amazonienne », Planète, p. 11.

Voilà un mois déjà qu’en Ukraine les armes déciment. Que les bombes éventrent. Que des quartiers entiers sont pilonnés. Que par centaines de milliers des gens terrorisés tentent de fuir un pays métamorphosé en enfer terrestre. Bref : que la « guerre » – ce mot banni au plus haut niveau de l’État russe – y fait rage. Une guerre à laquelle, aux premières pages de son Éloge des voyage insensés paru en 2008 en version française (aux éditions Verdier), l’écrivain russe Vassili Golovanov consacrait quelques lignes dont on se trouve présentement mieux à même de mesurer la pertinence.

« Parce que la guerre, c’est sérieux, c’est du non-sens sérieux. Des milliers de gens tués. Exterminés les uns par les autres. Privés de sens. À Soumgaït. Au Karabakh. À Bakou… La liste va gonfler, comme une tumeur cancéreuse. La famille, la maison, l’individu, son monde, ses efforts, sa joie sont privés de sens, la mort moissonne. Il faut regarder la vérité dans les yeux : les yeux des miséreux, les yeux des réfugiés, emplis de désespoir, les yeux éteints des assassinés. La vie humaine ne vaut pas un sou. Au juste prix. Pouvoir. Argent. Matières premières. Armes.

Au juste prix, étrangement, tout ce qui défigure, mutile la vie, la piétine, la détruit, la retient, l’empêche de s’élever, ne laissant pas aux pierres le temps de s’ajuster, aux pousses de se raffermir. La haine a ses lois. Nous vivons à nouveau aux limites des temps… »

De quoi semer une unanime consternation ? En date du 20 mars, dans sa chronique Planète publiée en dernière page du Monde, Stéphane Foucart relève qu’un tel état des lieux, pour déchirant qu’il soit, ne laisse pas chacun sans voix : « La guerre en Ukraine n’est pas perdue pour tout le monde et ce ne sont pas les vendeurs de bicyclettes qui en tirent, ces jours, le meilleur profit. Depuis le début du conflit, les lobbys agro-industriels ont poussé leurs arguments avec un succès éclatant. Jusqu’à remettre en cause, en France au moins, la stratégie “Farm to Fork” (“de la ferme à la fourchette”), le volet agricole du Pacte vert de la Commission européenne ».

Et au Brésil, pendant ce temps ? Au Brésil, le président Jair Bolsonaro n’a, lui non plus, pas tardé à réagir – mais de manière plus inquiétante encore. Fort de la dépendance de l’agriculture brésilienne envers les engrais russes, lui s’apprête carrément à faire voter, d’ici la mi-avril, un texte de loi autorisant l’exploitation des ressources naturelles – minerais, pétrole, gaz, battages – dans les territoires indigènes. Et pas question de discuter ledit projet en commission… ni bien sûr de demander aux intéressés l’aimable permission de piller leurs terres. Le président a averti : « Notre sécurité alimentaire est en jeu, et nous devons prendre des mesures pour ne pas dépendre de l’extérieur pour une ressource comme le potassium que nous avons en abondance ».

Ah oui ? Mais qui donc – sans se parjurer – pourrait affirmer que la solution pour réduire la dépendance se trouve dans les territoires indigènes, quand il est de notoriété publique que les gisements de potassium du Brésil ne se trouvent précisément pas dans ces territoires ? Qu’une réserve estimée à 255 millions de tonnes de potassium se trouve dans le sud-ouest de l’Amazonie – soit dans des terres non reconnues comme indigènes. Et que, de plus, 838 millions de tonnes attendraient leur extraction dans le sud-est du pays – soit dans des territoires eux aussi non reconnus comme indigènes !

Alors ? Alors, selon Romulo Batista, porte-parole de la campagne Amazonie chez Greenpeace, le pot aux roses se trouve ailleurs : « Ce que le président veut légaliser avec cette loi, c’est l’exploitation de l’or, qui est une de ses obsessions. » Dans les faits, ajoute Larissa Rodrigues, coordinatrice de plusieurs études sur le sujet pour l’ONG Instituto Escolhas : « On voit l’orpaillage comme une activité artisanale à petite échelle, mais, au Brésil, cela a pris toute une autre dimension. C’est plutôt une industrie ».

Pendant ce temps, durant le seul mois de février – et tandis que les communautés amérindiennes ne cessent de faire les frais parfois létaux de la folle rapacité des chercheurs d’or –, 199 kilomètres carrés de forêt ont été déboisés. Une augmentation de 62% par rapport au mois de février 2021. Et un record.

« La vie humaine ne vaut pas un sou. Au juste prix. Pouvoir. Argent. Matières premières. Armes », écrivait le trop tôt disparu Vassili Golovanov. Les armes ? Nul n’ignore qu’elles parlent déjà en terres amérindiennes, s’agissant des récalcitrants.

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