dimanche , 26 janvier 2025

Intelligence artificielle et écologie : un dialogue nécessaire pour l’avenir

En tant que militant ayant participé à de nombreux groupes de travail, mon rôle, souvent centré sur le support informatique, m’a régulièrement confronté à des remises en question sur l’utilisation d’outils tels que Google Drive, l’IA ou d’autres services des GAFAM. Certain·e·s ne comprennent pas pourquoi de tels outils sont utilisés dans un contexte militant. J’ai souvent exposé cette problématique dans mes échanges.

Dans mon rôle de support informatique et webmaster, j’ai pu observer de près les difficultés rencontrées par les utilisateur·trice·s pour s’approprier des outils open source. Dans la vie réelle, la plupart des personnes utilisent, que ce soit en entreprise, en famille ou ailleurs, des outils conventionnels comme Microsoft Word, Google Drive, etc. Elles s’y retrouvent, car elles y sont habituées. Passer à des outils open source entraîne cependant une série de difficultés bien concrètes : le manque de temps pour s’approprier ces nouveaux outils, des dysfonctionnements fréquents (difficiles à résoudre pour bien des personnes lambda) et des problèmes de compatibilité lors du transfert de documents entre les systèmes des GAFAM et les alternatives open source. Ces obstacles sont encore plus flagrants sur mobile, où le mode responsive des outils open source est souvent mal optimisé.

Un autre point délicat concerne les sites internet. Pour réduire les ressources consommées, il est souvent proposé d’utiliser des systèmes de création de sites complexes, réservés à une élite technique. Cela complique la tâche pour l’utilisateur·trice lambda, rendant difficile leur contribution. Aujourd’hui, après de multiples discussions et argumentations, plusieurs mouvements me font désormais confiance pour développer des sites WordPress. Cet outil (CMS) permet de déléguer les tâches de saisie de contenu à presque tout le monde. La maintenance, elle, ne nécessite pas de spécialistes en informatique, mais peut être assurée par n’importe quel·le webmaster compétent·e. Personnellement, je gère des dizaines de sites WordPress, et je peux affirmer que la sécurité y est bien gérée sans avoir rencontré de graves problèmes.

Dans les mouvements militants, où les spécialistes informatiques font généralement partie des ressources humaines limitées, l’utilisation d’outils conventionnels des GAFAM permet d’économiser un temps précieux. Cela évite également aux informaticien·ne·s de devoir être constamment disponibles pour résoudre des problèmes qui pourraient être évités avec des solutions familières et éprouvées. Cette économie de temps et de ressources est essentielle dans un contexte où ces compétences sont rares et très sollicitées. À un moment donné, alors que les ressources humaines se réduisent et que de moins en moins de personnes sont disponibles pour contribuer, il devient crucial de faire confiance aux spécialistes. Ces derniers sont en mesure d’évaluer l’efficacité des outils nécessaires et de choisir ceux qui permettent de maximiser l’impact avec le temps limité dont on dispose.

Dans la vie quotidienne, nous utilisons toutes sortes de services « non désirables », non pas par choix, mais faute d’accès facile à des alternatives. Cela ne signifie pas que nous devons renier nos convictions – comme préférer un marché local à un supermarché – mais il faut reconnaître certaines contraintes. Nous n’allons pas nous isoler dans un milieu sauvage pour être parfaitement cohérents avec nos idéaux. La nécessité d’efficacité dans nos luttes exige pragmatisme et solutions concrètes, même si elles ne sont pas idéales. L’objectif est qu’un jour, grâce à nos combats, nous puissions nous passer de ces outils. Mais pour l’instant, alors que de nombreux·ses militant·e·s s’épuisent et abandonnent, il est crucial d’éviter de perdre du temps et d’optimiser nos efforts en utilisant des outils efficaces, même s’ils ne sont pas toujours désirables.

L’intelligence artificielle (IA) en est un exemple significatif. Lorsqu’on est impliqué dans des tâches complexes, comme les miennes, je me refuse à ne pas tirer parti des mêmes avantages que ceux qu’utilisent nos opposants.

Un exemple marquant lié à la loi de Brandolini dans le domaine climatique est la diffusion massive de fausses affirmations par les climatosceptiques. Des arguments comme « le réchauffement climatique s’est arrêté en 1998 » ou « le CO₂ est bénéfique pour les plantes » circulent largement et rapidement. Ces déclarations, simplistes et faciles à diffuser, demandent des efforts disproportionnés pour être réfutées. Les scientifiques doivent mobiliser des données complexes et fournir des explications détaillées pour démontrer, par exemple, que 1998 était une année exceptionnellement chaude en raison d’El Niño, ou que l’excès de CO₂ entraîne des impacts négatifs bien au-delà de la simple croissance des plantes.

L’intelligence artificielle peut apporter une aide précieuse dans ces contextes en automatisant et en accélérant le travail de vérification des faits. Elle permet d’analyser rapidement de grandes quantités de données, d’identifier les fausses informations et de proposer des réponses documentées. Par exemple, des outils d’IA peuvent comparer des affirmations climatiques à des bases de données scientifiques en quelques secondes. De plus, elle peut repérer les tendances de désinformation en ligne, cartographier les réseaux qui la propagent, et aider à concevoir des campagnes de sensibilisation plus ciblées. Tout cela économise du temps, mais nécessite une supervision humaine pour garantir la qualité des réponses.

Ce que je défends ici, c’est une approche nuancée, loin des jugements binaires sur ce qui est « bien » ou « mal ». Pour être efficaces dans nos luttes, nous devons évaluer les avantages et les inconvénients de chaque outil, même si leur utilisation est parfois regrettable. Dans un monde où nos opposants ne se privent pas d’exploiter ces technologies, il est essentiel de rester pragmatique pour maximiser notre impact et notre efficacité.

Et Cédric Villani, qu’en pense-t-il ?

Cédric Villani, mathématicien et homme politique reconnu, aborde l’intelligence artificielle (IA) sous un angle à la fois pragmatique et critique. Dans une intervention captivante, il rappelle que l’IA n’est pas une intelligence autonome ou mystique, mais un ensemble d’algorithmes et de statistiques permettant d’accomplir efficacement certaines tâches humaines. Selon lui, il est essentiel de démystifier l’IA pour mieux comprendre ses atouts et ses dangers. Cette démystification est la première étape pour aborder la question de son utilisation dans des domaines aussi cruciaux que les luttes sociales et écologiques.

Villani souligne que l’IA s’est développée de manière pragmatique, souvent par des expérimentations menées par des développeurs avant même que les théoriciens ne puissent expliquer les résultats. Cela reflète un décalage entre la rapidité des avancées technologiques et notre capacité à les encadrer scientifiquement et éthiquement. Cependant, il insiste sur le fait que cette technologie, bien qu’exigeante en ressources, peut être utilisée à bon escient dans des contextes militants, notamment pour gagner du temps et optimiser des actions.

En matière de luttes, Villani semble encourager une approche équilibrée et stratégique. Si l’IA peut consommer des ressources et soulever des enjeux écologiques, elle offre également des opportunités uniques. Par exemple, elle permet de répondre plus efficacement à des campagnes de désinformation, de traiter des volumes massifs de données, ou encore d’appuyer des décisions complexes avec rapidité et précision. En d’autres termes, pour Villani, ignorer l’IA dans les luttes serait se priver d’un outil puissant que nos opposants, eux, n’hésitent pas à exploiter.

En conclusion, Villani plaide pour une utilisation responsable et éclairée de l’IA. Cela signifie investir dans la recherche, réguler son impact environnemental, et l’intégrer dans nos stratégies de manière pragmatique. Il s’agit, selon lui, d’un levier essentiel pour mener des combats efficaces et faire avancer des causes qui nécessitent à la fois efficacité et intelligence collective.

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