Dernière modification le 20-6-2025 à 4:26:43
Alors que l’EPFL prévoit de raser une ferme agroécologique modèle pour étendre un centre de mathématiques, une lettre ouverte collective remet les pendules à l’heure. Que dit-elle vraiment ? Pourquoi cette affaire dépasse largement un simple conflit d’affectation ?
Depuis janvier 2025, un vent de révolte souffle sur le campus de l’EPFL.
La direction a décidé de mettre fin à l’expérience de la Ferme de Bassenges, menée depuis 2020 par le collectif de la Ferme de Bassenges, pour y implanter le futur Centre Bernoulli. Résultat : un modèle vivant d’agriculture durable, ancré dans la recherche, la formation et le tissu local, est rayé de la carte.
Pourquoi ? Pour des bureaux. Des maths. Du béton. Une logique de développement déconnectée du vivant et des enjeux du XXIᵉ siècle.
Mais derrière l’annonce brutale, la mobilisation grandit. Et la lettre ouverte récemment publiée par un large collectif de citoyen·nes, scientifiques, architectes, élu·es, paysan·nes et étudiant·es vient poser une question de fond :
Peut-on encore sacrifier une ferme vivante, utile et exemplaire, sans rendre de comptes à personne ?
Une ferme pionnière, un modèle d’avenir
La Ferme de Bassenges, ce n’est pas une « exploitation comme une autre ».
C’est un laboratoire de transition agroécologique, sur 10 hectares, avec traction animale, autonomie fourragère, 300 personnes nourries localement, 5 emplois à plein temps, 3 apprenti·es formé·es, 20 collaborations universitaires.
On y croise brebis, maraîchage, low-tech et architecture biosourcée.
Bref : un prototype vivant de ce que devrait être l’agriculture dans un monde en crise climatique et alimentaire.
L’EPFL veut garder des champs. Mais sans paysan·nes.
La direction affirme que « les terrains resteront agricoles ». Mais elle oublie de préciser que :
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les bâtiments seront désaffectés, donc le projet Cambium est impossible à maintenir ;
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les prestations agricoles seront sous-traitées, sans vision intégrée, ni présence humaine, ni ancrage pédagogique.
Ce qu’on détruit ici, ce n’est pas une ferme, c’est une chaîne vertueuse : science + sol + société + savoirs. Une chaîne tissée patiemment depuis 5 ans et aujourd’hui réduite à néant.
Un patrimoine vivant balayé par la façade
Les bâtiments de la ferme sont classés ? Parfait. On va refaire les façades, mettre du triple vitrage… et installer des salles de conférence.
Ce que le collectif de la Ferme de Bassenges avait reconstruit avec soin — matériaux locaux, rénovations participatives, usage centré sur les communs — sera réduit à une coquille vide, standardisée, désincarnée.
Le patrimoine immatériel, lui, n’intéresse pas : mémoire paysanne, ancrage local, transmission, usages collectifs. Tout cela sera effacé.

Pas de débat, pas d’alternatives : la méthode EPFL
Aucun dialogue.
Aucune consultation du collectif.
Aucune exploration sérieuse des alternatives, alors que le bâtiment actuel du Centre Bernoulli est conçu pour être surélevé. Cette option aurait permis de préserver la ferme sans retarder le chantier.
Le pire ? Deux bureaux seulement ont participé au concours d’architecture. Aucune information sur le projet lauréat. Et l’EPFL refuse toujours de publier une documentation complète.
Une gouvernance opaque, déjà dénoncée dans d’autres cas. Même logique, même mépris des usager·es.
Et maintenant ?
Le GIECLe GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) est une organisation qui a été mise en place en 1988, à la demande du G7 (groupe des 7 pays les plus riches : USA, Japon, Allemagne, France, Grande Bretagne, Canada, Italie). La version anglaise de cet acronyme est IPCC (The Intergovernmental Panel on Climate Change). le martèle : il faut des trajectoires de développement résilient, inclusif, durable. Pas des infrastructures rigides, pensées à court terme, pour des logiques de prestige ou d’expansion bureaucratique.
Préserver la Ferme de Bassenges, ce n’est pas refuser les mathématiques.
C’est exiger une vision intégrée du territoire, où la recherche, l’alimentation, le climat, l’éducation et le vivant cohabitent et se renforcent mutuellement.
Dans 30 ans, on regardera en arrière.
Et on saura si l’EPFL a fait le bon choix : transformer une ferme vivante en bloc administratif, ou assumer enfin son rôle de moteur de la transition.
Références
Préserver la Ferme de Bassenges !
Détails et références : preserverbassenges.ch
La Ferme : fermedebassenges.ch
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