vendredi , 4 octobre 2024

Discours imaginaire d’un·e militant·e après sa condamnation [1]

Dernière modification le 8-9-2024 à 17:28:37

Mesdames, Messieurs, et tou·tes celles et ceux qui refusent de se taire,

En recevant cette condamnation aujourd’hui, je me tiens ici non seulement pour moi-même, mais au nom de toutes celles et ceux qui luttent pour un avenir meilleur. Vous nous jugez non pour avoir commis des crimes, mais pour avoir osé défier un système qui s’effondre sous son propre poids, tout en prétendant servir l’intérêt général. Ce système, profondément enraciné dans le capitalisme néolibéral, privilégie les profits immédiats d’une minorité au détriment du bien commun et de l’avenir de l’humanité.

Nous avons tout essayé au niveau démocratique. Nous avons voté, nous nous sommes engagé·es politiquement, nous avons soutenu des initiatives et des référendums, et nous avons donné de notre temps bénévolement pour faire avancer ces causes. Pourtant, aucune de ces actions n’a été suffisamment prise en considération. Les solutions que nous proposions, tout comme les avertissements que nous lancions, ont été ignorés ou réduits au silence. Face à l’inaction systémique, il ne nous reste plus qu’à manifester pour alerter sur cette situation d’urgence.

Les droits que nous défendons aujourd’hui sont protégés par la Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH). Le droit de manifester pacifiquement est un pilier de toute société démocratique. Or, en cherchant à réprimer cette liberté, vous ne condamnez pas seulement des individus, mais l’avenir que nous essayons de sauver. Ce que vous appelez « troubles à l’ordre public » n’est que la manifestation légitime de citoyen·nes qui refusent de voir leur monde s’effondrer sous leurs yeux. Les lois qui devraient protéger les peuples servent ici à protéger ceux qui les oppriment.

Aujourd’hui, ce n’est pas seulement le droit de manifester qui est menacé. Partout dans le monde, on observe une répression croissante des mouvements sociaux et écologistes. Les gouvernements, au lieu d’agir pour protéger leurs populations, se contentent de réprimer celles et ceux qui dénoncent leur inaction. La CEDH garantit ce droit, mais encore faut-il qu’il soit véritablement respecté, et non étouffé par des intérêts privés.

Les scientifiques, appuyé·es par des institutions comme l’ONU et l’OMS, nous avertissent depuis des décennies des dangers du dérèglement climatique. Nous savons que la simple réduction des émissions de carbone ne suffira pas. La protection de l’environnement doit être centrale dans nos actions. Nous devons non seulement freiner la destruction des écosystèmes, mais aussi restaurer la biodiversité. La renaturation des espaces dégradés est primordiale pour renforcer la résilience de notre planète face aux chocs climatiques. Sans cela, toute lutte contre le dérèglement climatique est perdue d’avance.

Ce ne sont pas des technologies hypothétiques, non prouvées, qui nous sauveront. Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre des solutions miraculeuses qui, à ce jour, n’ont montré aucune preuve d’efficacité à grande échelle. Penser qu’une innovation futuriste pourrait un jour compenser la disparition des écosystèmes est une illusion dangereuse. La restauration de la nature est notre meilleur espoir de stabiliser le climat et de préserver les bases mêmes de la vie humaine. Chaque forêt rasée, chaque espèce perdue, chaque habitat détruit affaiblit notre capacité à répondre aux défis qui se présentent.

Ce système refuse de changer, non par manque de solutions, mais par choix délibéré. Partout dans le monde, des initiatives locales et des mouvements citoyens proposent des alternatives viables : des économies circulaires, des systèmes agricoles durables, des énergies renouvelables accessibles. Pourtant, ces solutions sont largement ignorées, étouffées, car elles ne servent pas les intérêts des puissants qui profitent d’un statu quo destructeur.

Et pourtant, c’est nous qui sommes jugé·es aujourd’hui. Vous nous condamnez pour avoir bloqué des routes, interrompu la routine des entreprises qui polluent. Mais la véritable perturbation, c’est celle de ce système qui détruit la planète pour maintenir une façade de stabilité économique. Quel ordre défendez-vous réellement ? Celui qui permet aux multinationales de continuer à piller la Terre sans rendre de comptes? Celui qui protège les intérêts de quelques privilégié·es aux dépens des plus pauvres et des plus vulnérables ?

Nous avons été affaibli·es par des procès, comme celui des 200, où des dizaines de militant·es ont été condamné·es pour avoir exercé leur droit fondamental de protester pacifiquement. Mais malgré vos tentatives de nous faire plier, nous sommes encore là. Chaque jugement, chaque condamnation ne fait que renforcer notre détermination. Nous ne sommes pas seulement en train de lutter contre un ordre injuste, nous nous battons pour notre survie collective.

Comme l’a dit La Boétie, « Les tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux. » Mais nous avons choisi de nous relever, et nous nous relèverons toujours. À chaque condamnation, à chaque tentative de nous faire plier, nous nous redresserons plus fort·es. Ce combat n’est pas une option. C’est une nécessité. La justice climatique et la justice sociale ne sont pas des idéaux lointains, ce sont des droits pour lesquels nous ne cesserons de nous battre. Ce n’est pas nous qui devons plier face à l’injustice, mais ce système qui doit rendre des comptes pour la destruction qu’il cause.

Il est temps que vous compreniez et acceptiez que notre lutte est juste. Nous ne perturbons pas l’ordre, nous essayons de le restaurer. Un ordre où la protection de l’environnement, la renaturation des écosystèmes et la justice pour tou·tes sont au cœur des priorités. Un ordre où les entreprises ne peuvent plus piller la Terre sans rendre de comptes. Un ordre où la vie de chaque personne, chaque être vivant, est respectée, et où l’avenir de notre planète n’est plus sacrifié pour des profits à court terme.

Vous pouvez nous juger aujourd’hui, mais demain, d’autres se lèveront. Nous continuerons à nous battre, à bloquer, à dénoncer, parce que nous n’avons pas d’autre choix. L’urgence est là. Les scientifiques, les institutions internationales, les citoyen·nes du monde entier le savent. Et tant que vous refuserez de l’admettre, tant que vous continuerez à protéger un système défaillant, nous continuerons à nous lever contre lui.

À demain, dans la rue…

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Un commentaire

  1. Texte très émouvant. Merci

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