mardi , 2 septembre 2025

Sauvons le Mormont : un vote décisif pour la justice écologique, climatique et sociale

Dernière modification le 29-7-2025 à 14:17:32

Le Mormont n’est pas qu’une colline. C’est un sanctuaire vivant de biodiversité, un site archéologique unique en Europe, un patrimoine naturel irremplaçable. C’est aussi un symbole : celui de la lutte contre un modèle industriel destructeur, extractiviste et climaticide. Le choix est clair : béton ou vivant, accaparement ou avenir soutenable.

etatdurgence ch soutient pleinement l’initiative populaire vaudoise Pour une sauvegarde du patrimoine naturel et des ressources, dite ‘Initiative Sauvons le Mormont‘, soumise au vote populaire en septembre 2025. Elle propose deux avancées majeures dans la Constitution cantonale :

  • Une protection constitutionnelle définitive du site du Mormont.
  • Une réorientation écologique de la politique cantonale en matière de ressources naturelles et de construction.

Pourquoi cette initiative est indispensable

Un écosystème unique à basse altitude

Le Mormont abrite plus de 900 espèces végétales, dont 23 orchidées, ainsi que 107 espèces animales figurant sur les listes rouges suisses. C’est un joyau de biodiversité à basse altitude, unique en Suisse, situé entre plateaux calcaires, cluses humides, forêts mosaïques et sols karstiques. Le site est classé à I’inventaire fédéral des paysages, sites et monuments (IFP).

Un patrimoine archéologique sacré

Le sanctuaire celtique du Mormont comprend 260 fosses rituelles creusées il y a plus de 2000 ans. Ce site classé bien culturel suisse d’importance nationale témoigne d’une longue relation entre humains et paysage sacré.

Archéologie et sanctuaire du Mormont : Wikipedia

Une menace persistante : l’extraction industrielle

Malgré sa valeur écologique et culturelle, le Mormont reste menacé par les projets d’extension de la carrière cimentière de Holcim. Les autorisations d’exploitation sont temporaires et la loi, modifiable. Seule une inscription dans la Constitution peut assurer une protection véritablement durable.

Ciment : une triple impasse climatique, sanitaire et politique

Des émissions de CO2 massives

La production d’une tonne de ciment émet en moyenne 590 kg de CO₂, dont 390 kg issus de la décarbonatation du calcaire et 200 kg de la combustion énergétique (1). L’usine Holcim d’Éclépens émettait jusqu’à récemment environ 320’000 tonnes de CO₂ par an. Selon l’entreprise elle-même, la transformation de son four principal, désormais alimenté à 100 % par des combustibles non fossiles, permet une réduction nette de 160’000 tonnes de CO₂ par an, soit 50 % des émissions précédentes (2).

Ces émissions représentent désormais environ 4 % des émissions territoriales du canton de Vaud, qui s’élevaient à 3,93 millions de tonnes de CO₂eq en 2019, selon le bilan cantonal officiel (3).

Malgré cette amélioration technique, le processus de fabrication du ciment reste fortement émetteur, notamment à cause de la décarbonatation du calcaire, qui n’est pas affectée par ce changement de combustible. Holcim est également critiqué pour son approche partielle : la substitution des combustibles fossiles avec des plastiques pose d’autres risques (microplastiques, dioxines), sans réduire la partie chimique du ciment.

En 2025, bien que Holcim affirme vouloir avancer vers la neutralité carbone, les projets annoncés pour son site d’Éclépens — comme la cuisson à basse température (SynMIC) ou le captage de CO₂ en partenariat avec l’EPFZ — ne sont pas à ce jour déployés à l’échelle industrielle. Le rapport Climate Change Response 2023 de Holcim (p. 45) dresse la liste de 17 projets phares de captage carbone (CCUS) en développement, tous situés hors de Suisse : en Allemagne, France, Belgique, Croatie, Pologne ou encore au Canada (4). Éclépens n’y figure pas.

À ce jour (juin 2025), aucun communiqué ou rapport d’Holcim n’indique le déploiement sur le site vaudois d’un projet opérationnel de captage de CO₂ ou de four à cuisson basse température. Le dernier communiqué de l’entreprise (mai 2025) (2) met uniquement en avant la substitution des combustibles fossiles par des déchets non recyclables, permettant une réduction de 160’000 tonnes de CO₂ par an. En l’absence de communication officielle actualisée sur SynMIC ou le CCUS à Éclépens, le site ne semble donc pas engagé dans une décarbonation structurelle effective. Le modèle extractif reste inchangé sur la colline du Mormont.

Plus polluant que l’aviation

Le secteur cimentier est responsable d’environ 7 à 8 % des émissions mondiales de CO₂, soit nettement plus que l’aviation civile, qui représente environ 2,5 % des émissions globales (1). Selon Carbon Brief, le ciment constitue la plus grande source industrielle de CO₂, principalement à cause de la décarbonatation du calcaire et de la combustion fossile dans les fours (1). Ignorer ce secteur, c’est renoncer à toute stratégie climatique crédible.

La feuille de route Concrete Future – Roadmap to Net Zero, lancée en 2021 par la Global Cement and Concrete Association (GCCA), vise une neutralité carbone d’ici 2050 pour l’industrie du ciment. Elle prévoit une réduction de 25 % des émissions de CO₂ d’ici 2030, en s’appuyant sur :

  • des gains d’efficacité énergétique,
  • l’utilisation de combustibles alternatifs (comme des déchets),
  • des bétons bas carbone,
  • et le captage et stockage du carbone (CCUS) (2).

Cependant, des critiques soulignent que cette feuille de route repose fortement sur des technologies non encore matures, comme le CCUS, dont les coûts et la faisabilité à grande échelle restent incertains.

Selon le rapport de suivi 2024–25 de la GCCA et une analyse de DNV, les avancées restent insuffisantes : le CCUS est toujours en phase expérimentale, coûteux et difficile à déployer à grande échelle (2). Les émissions issues de la décarbonatation demeurent inchangées, et la majorité des projets de captage n’en sont encore qu’au stade pilote.

Par ailleurs, l’usage de déchets plastiques comme combustibles de substitution suscite de sérieuses inquiétudes en matière de microplastiques, dioxines et métaux lourds. Des sources officielles comme le guide EMEP/EEA 2023 indiquent que ces émissions doivent être scrutées et sont potentiellement problématiques (3). Sans transparence ni contrôle renforcé, cette pratique risque d’être un greenwashing, surtout si la consommation de ciment n’est pas réduite.

Il est donc impératif que les engagements du secteur soient concrets, mesurables et vérifiables, et qu’ils s’accompagnent de politiques de sobriété, de réduction du ciment, de promotion des matériaux alternatifs (terre crue, bois, pisé, réemploi), et d’un plan ambitieux de rénovation du bâti existant.

Un cocktail toxique pour la santé

Particules fines, NOₓ, SO₂, COV, métaux lourds… les cimenteries suisses émettent un cocktail toxique de polluants, nuisible pour la santé humaine et l’environnement.

En Suisse, les six cimenteries en activité, dont celle d’Éclépens, représentaient environ 4 % des émissions nationales de NOₓ en 2022, selon l’Inventaire officiel des gaz et polluants atmosphériques établi par l’OFEV et INFRAS (1).

Face à ce constat, la Confédération a procédé à un resserrement réglementaire : depuis le 1er janvier 2022, la limite d’émission de NOₓ applicable aux cimenteries est passée de 500 à 200 mg/m³, conformément à une révision de l’Ordonnance sur la protection de l’air (OPair) et à un accord sectoriel conclu entre la Confédération, les cantons et l’association cemsuisse (2). Cette mesure marque une avancée notable dans la réduction de la pollution par les oxydes d’azote.

Mais cette réforme ne concerne que les NOₓ. Pour d’autres polluants préoccupants comme le dioxyde de soufre (SO₂) ou les composés organiques volatils (COV), les normes suisses restent inchangées depuis au moins 2018, malgré des niveaux très permissifs. Cette année-là, un rapport de l’Association des médecins pour l’environnement (AEFU) signalait que les valeurs limites suisses étaient jusqu’à 10 fois plus élevées pour le SO₂ et 8 fois pour les COV, comparées à celles imposées par l’Union européenne (3). En 2025, aucune mise à jour réglementaire n’a été adoptée pour corriger ces écarts.

La directive européenne 2010/75/UE impose pourtant des seuils d’émission plus stricts, fondés sur les meilleures techniques disponibles (BAT). Les plafonds pour les NOₓ y varient généralement entre 100 et 200 mg/m³, selon le type de combustible et d’installation, et les limites pour le SO₂ et les COV sont souvent nettement plus sévères que les valeurs tolérées en Suisse (4).

Ce différentiel réglementaire souligne l’importance, pour les autorités suisses, de poursuivre l’harmonisation de leurs standards avec ceux de l’Union européenne, afin de garantir un haut niveau de protection de la santé publique et de l’environnement, y compris dans les zones concernées par les activités cimentières comme la région d’Éclépens.

Ce que fait Holcim à Éclépens

Des réductions utiles, mais un modèle inchangé.

Holcim affirme avoir réduit de moitié les émissions de CO₂ de sa cimenterie d’Éclépens, grâce à l’abandon des combustibles fossiles au profit de déchets non recyclables, comme les plastiques et pneus usagés. Cette transformation technique représente une amélioration partielle.

Mais l’essentiel ne change pas :

  • La décarbonatation du calcaire, responsable d’environ 60 % des émissions, demeure inchangée.
  • Brûler du plastique, même non recyclable, génère toujours des polluants nocifs : CO₂, microplastiques, dioxines, métaux lourds.
  • L’exploitation de la colline du Mormont se poursuit, sans remise en question du prélèvement.
  • Les solutions de substitution (terre crue, bois, réemploi) ne sont pas intégrées structurellement dans le modèle industriel.
  • Et les projets ambitieux annoncés (SynMIC, captage de CO₂) ne sont pas déployés à Éclépens à ce jour.

Holcim améliore sa performance énergétique, mais le socle du modèle reste extractif et bétonné. La communication environnementale prend parfois le pas sur une transformation structurelle réelle. Holcim cherche à verdir son image, mais semble refuser toute remise en cause du modèle extractif et bétonné.

Des alternatives concrètes et crédibles existent

Face à l’immobilisme des acteurs industriels comme Holcim, des solutions de construction réellement durables existent déjà — moins émettrices, non extractives, locales et souvent plus saines. Elles sont mises en œuvre dans plusieurs projets pilotes, mais peinent encore à se généraliser, faute de soutien politique ambitieux.

Aujourd’hui, des matériaux alternatifs au béton sont testés ou utilisés dans des projets emblématiques : le bois, le pisé, le chanvre, la terre crue ou encore les matériaux recyclés. Ces solutions présentent des avantages climatiques, mais aussi sociaux et économiques, en renforçant les filières locales, la sobriété énergétique et le réemploi des ressources (1).

Des exemples suisses démontrent la faisabilité de ces approches :

  • La Maison de l’environnement à Lausanne (structure bois et approche passive) ;

  • Le bâtiment Ricola Kräuterzentrum à Bâle (construction en pisé) ;

  • Le projet Terrabloc à Allaman (production locale de blocs de terre crue) (2).

Le canton de Vaud, avec l’EPFL, a tout pour être un leader dans ce domaine. Encore faut-il des choix politiques cohérents.

Le canton de Vaud, en collaboration avec l’EPFL, dispose de solides atouts pour devenir un acteur de référence dans ce domaine. À travers sa faculté ENAC (Architecture, Génie civil, Environnement), l’EPFL mène des recherches de pointe sur les matériaux écologiques. Par exemple, le projet Working Space — réalisé avec le canton — a testé la surélévation d’immeubles administratifs à l’aide de structures bois préfabriquées et de solutions énergétiques innovantes (3).

Parallèlement, la Direction générale des immeubles et du patrimoine (DGIP) a lancé une stratégie ambitieuse visant à réduire l’empreinte carbone du parc immobilier étatique d’ici 2040. Cette démarche repose sur la formation des équipes, des outils méthodologiques spécifiques et une collaboration active avec les acteurs scientifiques et techniques (4).

Ces initiatives montrent que le canton et ses partenaires ont toutes les ressources et compétences pour accélérer la transition vers une construction bas carbone. Mais sans une remise en cause du poids structurel du béton dans les appels d’offres publics, ce potentiel risque de rester sous-exploité.

Une transition juste pour les salarié·e·s du secteur

Sortir du tout-béton ne signifie pas abandonner les travailleurs du secteur. Le Revenu de Transition Écologique (RTE), conçu par la chercheuse Sophie Swaton, propose de soutenir les reconversions vers des métiers durables à travers des projets concrets, un accompagnement personnalisé, et des bourses de formation. Des expérimentations existent déjà en Suisse romande.

Le contre-projet : trop vague, trop faible

Malgré l’existence de solutions durables et de propositions concrètes pour une transition juste, le Conseil d’État vaudois refuse de remettre en cause le modèle extractiviste cimentier. Son contre-projet à l’initiative « Sauvons le Mormont » élude soigneusement le sujet du ciment et ne prévoit aucune protection constitutionnelle directe du site (1).

Seule une inscription dans la Constitution garantit une protection à long terme.

Ce contre-projet propose d’inscrire dans la Constitution un principe d’économie circulaire, tandis que la protection du Mormont serait uniquement assurée par une modification de la loi sur la protection du patrimoine naturel et paysager (LPrPNP) — une loi ordinaire, donc facilement révisable à la majorité du Grand Conseil (2). La colline resterait exploitable par Holcim jusqu’en 2060, dans les limites des autorisations actuelles, sans possibilité d’extension future (3).

Le préavis du Conseil d’État, le rapport complémentaire de la Commission ainsi que les documents de modification législative sont accessibles sur le site officiel : Exposé des motifs, RC et projet de décret (24_LEG_58)

Le comité d’initiative considère ce contre-projet insuffisant : seule une inscription explicite du site dans la Constitution peut garantir sa protection à long terme, à l’abri des changements politiques ou économiques futurs (4). La population vaudoise devra donc se prononcer en septembre 2025 à la fois sur l’initiative populaire et sur le contre-projet concurrent (5).

En septembre 2025, votons OUI à l’initiative « Sauvons le Mormont »

Le Mormont n’est pas un simple relief calcaire. C’est un sanctuaire vivant de biodiversité, un site archéologique majeur, un symbole puissant des dérives industrielles et du bétonnage sans limite.

Face à un contre-projet minimaliste et réversible, l’initiative populaire “Sauvons le Mormont” propose une vraie bifurcation :

  • Une protection constitutionnelle durable du site, au-delà des cycles électoraux
  • Une orientation écologique de la politique cantonale des ressources, cohérente avec les impératifs climatiques et sociaux
  • Un encouragement aux alternatives constructives locales, soutenables et déjà disponibles.

Voter OUI, c’est refuser le greenwashing, soutenir la transition écologique, et protéger un bien commun contre des intérêts privés à courte vue.

Refusons le béton comme fatalité. Choisissons un avenir vivable.
En septembre 2025 : votons OUI à l’initiative “Sauvons le Mormont”.

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