lundi , 29 avril 2024

Daniel Schöni

Mes préoccupations écologiques remontent à longtemps. Déjà, lorsque je préparais la maturité dans les années 80, je me débrouillais pour faire des exposés en classe sur des thèmes écologiques. A l’Université de Genève à la fin des années 80, on me surnommait souvent « l’écolo », de quoi rappeler que cette orientation était encore rare. Je tannais mes camarades avec mes lectures de Jacques Ellul, André Gorz ou Ivan Illich.

D’un côté, j’arrivais à l’écologie par la gauche, avec des préoccupations plutôt sociales et autour de la question de la qualité de vie. Mais mon implication dans les activités de jeunesse (principalement dans le cadre du scoutisme) avaient aussi éveillé chez moi l’amour de la nature. J’ai trouvé dans l’écologie politique émergente une réponse qui alliait les préoccupations sociales et le respect de la vie.

C’est aussi dans le cadre de l’Université que j’ai fait le saut qualitatif permettant de passer de l’écologie des recyclages soigneux, de la gestion des déchets et des petits gestes – qu’on n’appelait pas encore « développement durable » à une préoccupation écologique plus radicale, à l’occasion d’un cours d’histoire des doctrines politiques donné par les professeurs Ivo Rens et Jacques Grinevald sur « le catastrophisme ». Tout était déjà clairement posé sur la table : le dérèglement climatique, l’entropie, le rapport Meadows, la décroissance, la critique du développement durable, etc.  Cela pour dire que tous ceux qui vous diront qu’on « ne savait pas » tentent de faire oublier qu’on savait très bien !

De fait, j’ai passé mon temps à tourner autour de la matière qui m’intéressait le plus, c’est-à-dire l’économie. J’avais commencé avec l’école de commerce, poussé par mes parents qui voyaient en moi un futur employé de banque (c’est raté !). J’ai été passionné par les cours d’économie donnés par un enseignant doué d’un réel enthousiasme explicatif. J’ai commencé à comprendre et c’était très gratifiant. J’aurais pu décider d’aller suivre des cours d’économie à l’université, mais j’ai préféré les sciences politiques (avec des incursions en histoire économique) pour avoir une approche qui me semblait plus large et diversifiée.

Puis, ma vie a passé par des détours. D’abord par Zurich, où je suis tombé par hasard dans l’enseignement en me chargeant de l’histoire et de la géographie pour des lycéens français avant de revenir quelques années plus tard en Suisse romande enseigner l’économie dans une école privée, puis enfin dans les écoles professionnelles vaudoises (économie et droit en maturité pro et culture générale en CFC). J’ai aussi fondé une famille et contribué à faire grandir deux enfants désormais adultes, participé à la première liste électorale des Verts à Prilly, appris l’espéranto, fait du syndicalisme actif dans l’enseignement. Je me suis un peu dispersé.

Partout où je suis passé, j’ai tenté de faire prévaloir des idées écologiques radicales, qui s’attaqueraient au noyau central du système fou qui détruit méthodiquement les conditions de vie sur cette planète. A chaque fois, cette préoccupation est restée marginale et les enjeux ne m’ont pas semblé être vraiment compris. J’ai fini par aller noyer mon désespoir écologique dans la lecture d’ouvrages spécialisés sur le sujet.

C’est au début des années 2000, avec la parution en français du livre de Jared Diamond, « Effondrement », que je suis revenu à l’écologie politique. J’ai alors assez systématiquement lu tout ce qui tournait autour de cet enjeu et j’ai développé mon enseignement d’économie en affrontant le plus directement possible les enjeux écologiques et les risques sociétaux. A mon niveau, car je n’ai pas milité dans une grande organisation, j’ai essayé de conscientiser au mieux les jeunes auxquels j’ai affaire. Mes programmes d’enseignement veulent que j’enseigne la loi de l’offre et de la demande, le produit intérieur brut, la croissance économique ou encore le marketing. Je le fais, mais je fais aussi en sorte que la loi de l’offre et de la demande apparaisse pour ce qu’elle est, une théorie qui ne correspond à aucune réalité effective, que le PIB et le système de croissance soient méthodiquement déconstruits et analysés et que l’approche du marketing serve à stimuler l’esprit critique face aux manipulations commerciales dont nous sommes les objets.

Ecrire des chroniques sur « État d’urgence », c’est l’occasion pour moi de proposer des réflexions sur les thèmes qui sont devenus ma spécialité et qui me préoccupent parce qu’ils sont directement à la racine de la catastrophe écologique en cours : le système capitaliste de croissance, les cycles conjoncturels et les récessions, la décroissance, les politiques économiques, les systèmes sociaux, l’inflation, l’endettement, la critique du développement durable, la monnaie, les systèmes monétaires et bancaires, la finance, les stratégies de greenwashing, etc. Mon sentiment profond, c’est que les causes du mal qui nous menace résident avant tout dans notre système économique. Les solutions doivent donc aussi être économiques.

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