samedi , 20 avril 2024

Phytoplancton

Dernière modification le 28-7-2022 à 17:44:02

©NOAA MESA Project

Le podcast

Temps de lecture 6 minutes.
Le podcast n’est pas la reproduction exacte du texte, mais l’extrait d’une émission radio avec Sarah Perrin.

Qu’est-ce?

Le phytoplancton désigne l’ensemble des organismes végétaux microscopiques – microalgues et bactéries unicellulaires – vivant en suspension dans l’eau. On estime leur nombre d’espèces entre 10’000 et 20’000. D’une taille allant de 0,2 micron à 1 millimètre, ils ont une variété infinie de formes et de couleurs. Certains sont dotés de bioluminescence. On les trouve en grandes nappes à la surface de toutes les étendues d’eau: mers, océans, lacs.

Diatomées au microscope. ©Stony Brook University.

Pourquoi est-ce important ?

Le phytoplancton remplit plusieurs rôles, tous essentiels à la vie sur Terre.

  1. C’est un végétal. Il pratique donc la photosynthèse et utilise l’énergie solaire pour capter le dioxyde de carbone, le CO2 atmosphérique, dont il se nourrit. Ce faisant, il rejette de l’oxygène. Et c’est loin d’être anodin: représentant seulement 1% de la masse végétale totale de la planète, il produit à lui seul de 50% à 70% de tout l’oxygène que nous respirons.
    Comme il est parmi les premiers organismes photosynthétiques apparus sur Terre, il a majoritairement contribué aux réserves d’oxygène accumulées autour de la planète au fil de milliards d’années. Le principal poumon de la planète, c’est bien le phytoplancton!
©NOAA MESA Project
  • Les mers et océans sont d’importants puits de carbone, et le phytoplancton en est un maillon essentiel. Ces milliards de microalgues absorbent chaque année environ 40% du CO2 produit sur la planète, retranchant ainsi de l’atmosphère une part non négligeable de ce puissant gaz à effet de serre, moteur du réchauffement climatique. Elles font ainsi le travail de l’équivalent d’un peu près quatre forêts amazoniennes. De plus, lorsque le phytoplancton meurt ou est avalé par des animaux, une partie de ce carbone tombe avec leur carcasse au fond de l’océan, où elle est stockée.
  • Le phytoplancton est essentiel à la biodiversité. Il est à la base de la chaîne alimentaire océanique. De lui se nourrissent de nombreuses espèces de zooplancton, de poissons, de crevettes et de petits crustacés, qui eux-mêmes nourrissent de nombreux animaux de mer plus grands, tels que baleines, phoques, requins, manchots, etc. Jusqu’aux être humains.

Questions actuelles, débats, controverses

Le phytoplancton est en train de décliner. De nombreuses études scientifiques en suivent l’évolution, que ce soit par des prélèvements directs dans les eaux de divers océans, lacs, fleuves et rivières sur la planète, par des observations satellites, ou en combinant les deux. On peut en effet mesurer les populations de phytoplancton en fonction des nappes colorées qu’elles forment à la surface de l’eau, visibles assez clairement depuis l’espace(( Techniques de suivi et de mesures du phytoplancton (Convention CNRS-IFREMER):
wwz.ifremer.fr/dce/content/download/60881/file/Convention%202010_Action%201_CNRS%20WIMEREUX%20note%20synthese%20techniques%20etude%20phytoplancton%20version%20finale%20mai%202011-2.pdf )).

Swirls of phytoplankton in the Gulf of Finland. ©NASA

Les chercheurs ont pu établir que ces populations de phytoplancton avaient diminué, et continuent de le faire à un rythme régulier. Ils estiment qu’il y en a jusqu’à 40% de moins depuis les années 1950 et que la perte se poursuit à raison d’environ 1% par an. Certains pensent qu’il pourrait même avoir totalement disparu d’ici 2050(( Etude sur le déclin du phytoplancton, Dalhousie University, Canada, publiée en 2010 dans Nature:
www.nature.com/articles/nature09268 ))12.

Plusieurs phénomènes sont en cause, à commencer par la pollution, notamment celle provenant de l’agriculture intensive, qui se déverse dans les nappes aquatiques et cours d’eau. Ou encore le réchauffement des océans, dont les températures ont augmenté de 0,5 à 1°C au cours du dernier siècle. Accentuant le phénomène de stratification des couches d’eau, cette hausse limite ainsi les échanges de nutriments entre la surface et les profondeurs.

De plus, les organismes planctoniques calcaires semblent tout particulièrement affectés par l’acidification des océans, c’est-à-dire l’augmentation des taux de CO2 dissous dans l’eau et donc la chute du pH, estimée à – 0,1 unité au cours du 20e siècle. Si les conséquences de cette évolution sur les organismes marins sont encore mal connues, on sait que l’une d’elles est la diminution des éléments nécessaires à la construction des squelettes et coquilles de nombreux organismes marins. Les ptéropodes ou les coccolithophores, deux familles de plancton calcifiantes à la base de l’alimentation de nombreuses espèces animales, sont par exemple fortement menacés(( Ptéropodes – Mollusques qui nagent vimeo.com/8021348 )).

Le déclin du phytoplancton pourrait donc s’avérer être une sérieuse menace pour la survie de toute la faune marine, dont il est à la base de la chaîne alimentaire. Il pourrait également compromettre le rôle de puit de carbone des océans. Un rôle crucial puisqu’on estime que ceux-ci auraient absorbé, depuis les débuts de l’ère industrielle il y a 200 ans, près de la moitié du CO2 issu de la combustion des carburants fossiles: charbon, gaz naturel, pétrole.

Et qu’en est-il des conséquences sur le taux d’oxygène présent dans l’atmosphère? Étrangement, il existe peu de littérature et de données à ce sujet sur le net. Il semble que les réserves de ce gaz vital soient encore bien assez grandes. Son taux dans l’atmosphère est également plutôt stable, fleurtant avec les 21% (contre 78% d’azote et 1% de gaz divers tels qu’argon, hélium, etc). Toutefois, une étude datant de 2016 a montré une certaine érosion (diminution de 0,7% sur les 800’000 dernières années), avec une légère accélération au siècle dernier(( Etude de l’Université de Princeton sur l’évolution du ration oxygène/azote dans l’atmosphère, 2016:
science.sciencemag.org/content/353/6306/1427.full )). Sachant que la plage optimale d’oxygène dans l’air pour la survie des êtres à respiration aérienne – dont nous faisons partie – se situe entre 19,5 et 23,5%, il serait en effet préférable que cette baisse, pour autant qu’elle soit confirmée, ne se poursuive pas.

Autres références générales(( Etude sur la photosynthèse du phytoplancton, université de Grenoble, 2017:
www.nature.com/articles/ncomms15885 et newsroom.univ-grenoble-alpes.fr/sciences-et-technologies/comment-le-phytoplancton-domine-t-il-les-oceans–214211.kjsp )) 3.

Articles de presse, vidéos, etc.

  1. Etude de la NASA sur le déclin du phytoplancton dans l’hémisphère nord, 2015:
    news.agu.org/files/2015/09/2015GB005139.pdf []
  2. Etude sur le déclin du phytoplancton, MIT, USA, publiée en 2019 dans Nature:
    www.nature.com/articles/s41586-019-1181-8 []
  3. Etude de l’ETH Zurich sur la cartographie du phytoplancton, 2019:
    advances.sciencemag.org/content/5/5/eaau6253 []