jeudi , 9 octobre 2025
axel - stock.adobe.com

Capture directe CO2, synthèse critique et chiffrée

Dernière modification le 7-10-2025 à 16:55:19

Expérimenter fait partie du progrès. Tester des technologies capables de capturer directement le CO₂ dans l’atmosphère — comme la DACCS — peut apporter des enseignements précieux pour l’avenir. Mais faire croire que ces innovations vont résoudre la crise climatique relève du mensonge dangereux. Ce technosolutionnisme s’appuie trop souvent sur des croyances, amplifiées par des médias qui abordent le sujet de manière superficielle, en laissant penser que le problème du réchauffement climatique serait presque réglé.

Or, les analyses scientifiques et indépendantes — dont la vidéo du Réveilleur et plusieurs études de référence — montrent clairement que la seule solution efficace à court terme reste la réduction massive des émissions de CO₂.

Autrement dit : réduire dès maintenant notre dépendance aux énergies fossiles, plutôt que prétendre effacer leurs effets plus tard.

Pourtant, nos gouvernements et nos responsables politiques persistent à tergiverser, repoussant les décisions nécessaires au détriment des générations futures. Le discours reste le même : promesses, innovations miracles, croissance verte… tandis que le mur climatique se rapproche. L’économie continue de primer sur le vivant, sur la santé publique, sur la justice écologique.

Idée générale

La DACCS (direct Air Carbon Capture and Storage) vise à extraire du CO₂ directement de l’air puis à le stocker durablement sous terre (géologique/minéralisation). C’est une méthode d’élimination (CDR : Carbon Dioxide Removal) à condition que le carbone soit stocké pour des durées climatiquement pertinentes et vérifiable (MRV : Measurement, Reporting and Verification).

Comment ça marche

  • Solide (amines sur support) : l’air est ventilé à travers des filtres, on régénère le sorbant à ~100 °C, on sépare l’eau, on compresse et on stocke. Exemple : Climeworks (Orca, Mammoth). (Climeworks)
  • Liquide (KOH) : on capte le CO₂ dans une liqueur, on forme du CaCO₃ puis on le décompose à ~900 °C pour libérer du CO₂ pur. Filière portée par Carbon Engineering (rachetée par Occidental/1PointFive en 2023). (oxy.com)

Stockage et permanence

  • Minéralisation in situ (Carbfix) : >95 % du CO₂ injecté minéralisé en <2 ans dans des basaltes islandais — permanence de l’ordre des temps géologiques. (PubMed)

Ordres de grandeur énergétiques

  • Besoins : ~4–10 GJ/tCO aujourd’hui (majoritairement chaleur), limite thermo ~0,5–1 GJ/tCO₂. En pratique, on est encore loin de l’optimum. (IPCC)
  • Clé n°1 : électricité/chaleur bas carbone. Les LCA montrent que la DACCS peut atteindre 85–93 % d’efficacité nette si l’énergie est très décarbonée, avec un mix carboné, on peut basculer en émissions nettes. (IDEAS/RePEc)

Coûts et déploiement

  • Coûts actuels : plusieurs centaines d’€/t (bandes typiques 100–600 €/t visées à terme, bien plus aujourd’hui selon projets). Les marchés d’achats de CDR progressent mais restent modestes à l’échelle climatique. (cdr.fyi)
  • Capacités : Mammoth (Islande) est annoncé à 36 kt/an de capacité nominale (net inférieur). Ambition : Mt d’ici 2030, Gt d’ici 2050, hautement incertain. (Climeworks)

Empreinte au sol

  • Très faible vs afforestation : de l’ordre de >100× plus efficient en surface que planter des forêts, si l’énergie associée est elle-même compacte et bas carbone. (BCG)

Points d’attention / controverses récentes

  • Performance réelle vs nominale : retards/contre-perfs et licenciements ont alimenté des critiques, à ce stade pilote, prudence dans l’interprétation mais exigence de transparence et de MRV robuste. (The Guardian)
  • Risque de récupération fossile : Oxy/1PointFive rachète Carbon Engineering, l’usage d’énergie fossile pour de la DACCS crée un aléa moral et dégrade les bilans (fuites CH₄ amont). (oxy.com)

Ce qui tient, ce qui coince

Atouts

  • Permanence élevée (minéralisation), traçabilité potentiellement forte.
  • Faible emprise au sol, implantation flexible (si ressources énergétiques adéquates). (PubMed)

Faiblesses

  • Énergie et coûts élevés aujourd’hui, compétition avec d’autres usages prioritaires de l’électricité bas carbone. (IPCC)
  • Vitesse d’industrialisation incertaine (il faudrait des centaines à milliers d’usines type raffinerie pour passer à l’échelle).
  • Dépendance au soutien public : la DACCS ne produit ni énergie ni co-bénéfices économiques immédiats.

Positionnement stratégique

ligne éditoriale « Etat d’urgence »

1. Priorité absolue : réduction rapide des émissions

Le cœur de la stratégie climatique reste la réduction directe des émissions dans les secteurs principaux : énergie, mobilité, bâtiment et industrie.
La DACCS n’est qu’un complément, réservé aux émissions résiduelles difficiles à éviter (ex. aviation, procédés chimiques).

Autrement dit : on réduit d’abord, on compense ensuite les restes inévitables.

2. Garde-fous pour éviter la diversion

Il s’agit d’éviter que la DACCS devienne un prétexte pour ne rien changer.

Les conditions :

  • utiliser uniquement une énergie 100 % bas carbone

  • idéalement une énergie additionnelle (non détournée d’un autre usage utile)

  • privilégier des contrats directs (PPA – Power Purchase Agreements) ou la récupération de chaleur fatale industrielle

Sans ces garde-fous, la DACCS risquerait d’aggraver les émissions au lieu de les réduire.

3. MRV strict

Référence : cdr.fyi (base de données internationale sur le Carbon Dioxide Removal).

Le MRV (Measurement, Reporting, Verification) doit être exigeant et transparent :

  • ne comptabiliser que le CO₂ réellement stocké (ex-post)

  • interdire les “ventes-promesses” de crédits carbone basées sur des capacités futures non encore opérationnelles

  • garantir des audits indépendants et traçables

Le but est d’éviter le greenwashing financier et les fausses compensations.

4. Pare-feux anti-capture

Référence : oxy.com (cas d’Oxy/Carbon Engineering).

Il faut empêcher que la DACCS soit instrumentalisée par l’industrie fossile pour prolonger ses activités.

Cela implique :

  • aucun alignement politique ou financier avec des acteurs dont le modèle repose sur les hydrocarbures

  • refuser toute DACCS alimentée au gaz fossile ou dépendant d’infrastructures pétrolières

L’objectif est de dissocier la DACCS des logiques de rente fossile.

5. Transparence LCA (analyse du cycle de vie)

Référence : IDEAS/RePEc (bases d’études économiques et environnementales).

Chaque projet DACCS doit publier :

  • l’intensité carbone de l’énergie utilisée

  • les facteurs d’émissions amont (construction, transport, maintenance)

  • le taux d’efficacité nette : tonnes de CO₂ réellement retirées / tonnes captées

Sans ces données, il est impossible d’évaluer la crédibilité climatique du procédé.

6. Où la DACCS a du sens aujourd’hui

Les contextes pertinents :

  • zones disposant de chaleur fatale bas carbone ou de géothermie

  • présence d’un site géologique adapté pour la minéralisation (ex. basalte islandais)

Là où les conditions naturelles et énergétiques sont optimales, la DACCS peut avoir une utilité réelle.

7. Contrats publics/privés pour résiduels non évitables

Cible : émissions dites “incompressibles” – aviation, ciment, sidérurgie.

Les financements doivent passer par :

  • des contrats sous quotas carbone, transparents

  • aucune déduction des efforts de réduction obligatoires

  • des partenariats publics/privés strictement encadrés

La DACCS doit servir à neutraliser les résiduels, pas à acheter du temps pour retarder la transition.

Verdict court

Technologie utile mais non magique. À défendre uniquement dans un mix où elle n’empiète pas sur l’électrification et l’efficacité, où l’énergie est bas carbone, le stockage est permanent et la comptabilité est stricte. Sinon, c’est une distraction coûteuse.

Références clés

  • IPCC AR6 WGIII – CDR & DACCS : besoins énergétiques (4–10 GJ/t), rôle minoritaire, dépendance au mix. (IPCC)
  • Climeworks Mammoth (36 kt/an nominal, Islande, géothermie) : annonces et couverture médiatique. (Climeworks)
  • LCA DACCS (Climeworks/solide) : efficacité nette 85–93 % avec énergie bas carbone. (IDEAS/RePEc)
  • LCA DACCS (revue, seuils mix électrique) : risque d’émissions nettes si électricité carbonée. (SciSpace)
  • Carbfix (minéralisation rapide, permanence) : Nature 2016/2019 et ressources Carbfix. (PubMed)
  • Marché CDR (achats, dynamique 2024–2025) : CDR.fyi. (cdr.fyi)
  • Acquisition Carbon Engineering par Occidental (1PointFive) : communiqué et dépêche. (oxy.com)
  • CDR (Carbon Dioxide Removal) : signifie élimination du dioxyde de carbone. Cela regroupe toutes les méthodes qui retirent durablement du CO₂ de l’atmosphère — par exemple l’afforestation, la bioénergie avec capture et stockage (BECCS), ou la capture directe dans l’air et stockage (DACCS). Une approche CDR se distingue d’une simple réduction d’émissions : elle retire du CO₂ déjà présent dans l’atmosphère.
  • MRV (Measurement, Reporting and Verification) :désigne les processus de mesure, de déclaration et de vérification. Dans le cadre du climat, cela garantit que les tonnes de CO₂ déclarées comme capturées ou stockées le sont réellement, de manière traçable et vérifiable par des organismes indépendants.

Des machines qui retirent directement le CO2 de l’atmosphère (DACCS)

La DACCS vise à extraire du CO₂ directement de l’air puis à le stocker durablement dans le sous-sol (géologique/minéralisation). La vidéo aborde le fonctionnement, l’empreinte énergétique et matérielle, les coûts, les conditions de déploiement et les critiques (dont Climeworks). Question centrale : solution crédible pour traiter des émissions résiduelles, ou distraction coûteuse qui retarde la réduction des émissions ?

Autres articles sur le sujets

Vérifier aussi

Pour une écriture inclusive sans liens internet indésirables

Dernière modification le 2-10-2025 à 15:20:22 Fini les liens internet à cause des points non …