dimanche , 9 mars 2025

L’âge du feu

Dernière modification le 6-3-2025 à 18:00:40

L’Âge du feu : Chronique d’une planète en flammes est un récit palpitant qui plonge les lecteur·rice·s au cœur de l’un des incendies les plus dévastateurs de l’histoire récente, celui de Fort McMurray, en Alberta, en mai 2016. À travers un mélange de journalisme d’investigation, de sciences du climat et d’histoire, John Vaillant explore la montée en puissance des feux de forêt à l’ère du réchauffement climatique.

Dès les premières pages, il nous projette dans l’apocalypse vécue par les habitant·e·s de cette ville pétrolière, où 90 000 personnes ont dû fuir en quelques heures sous un ciel de flammes. Avec une écriture cinématographique et immersive, Vaillant décrit un monstre de feu qui, en quelques jours, a transformé des quartiers entiers en cendres, pulvérisé 2500 maisons, et relâché dans l’atmosphère l’équivalent de 100 millions de tonnes de CO₂ – soit plus que l’ensemble des émissions de la Suisse sur un an.

S’appuyant sur des sources scientifiques et historiques (plus de 40 pages de références), l’auteur montre comment l’être humain, en exploitant massivement les énergies fossiles, a dérégulé le climat au point de créer des feux de plus en plus intenses et imprévisibles. Il rappelle que la forêt boréale canadienne, qui abrite l’une des plus grandes réserves de carbone de la planète, brûle aujourd’hui à une fréquence et une intensité inégalées.

La structure du livre, découpée en trois parties — « Histoires des origines », « Alerte incendies », et « Le jour du jugement » — nous embarque dans une montée dramatique, où chaque chapitre nous rapproche de l’inévitable catastrophe. L’épilogue nous laisse face à une question angoissante : sommes-nous prêts à affronter un monde où ces mégafeux deviennent la norme ?

Avec une écriture à la fois documentée et haletante, Vaillant nous entraîne dans une immersion totale, si bien que par moments, on a presque de la peine à respirer. Ce livre n’est pas seulement un reportage : c’est un avertissement, un appel à comprendre comment le feu, cet allié millénaire de l’humanité, est en train de devenir notre pire ennemi.

Un savoir ancien, caché et détourné 

Dans L’Âge du feu, John Vaillant ne se contente pas de raconter la catastrophe de Fort McMurray et les ravages des incendies modernes ; il met aussi en lumière une vérité dérangeante : les connaissances scientifiques sur le réchauffement climatique et son lien avec les émissions de CO₂ étaient bien établies bien avant que le Club de Rome ne tire la sonnette d’alarme dans les années 1970.

Dès 1895, le scientifique Svante Arrhenius démontrait que la combustion des énergies fossiles provoquerait une augmentation des températures mondiales. Dans les années 1950 (voir vidéos en bas de page), des climatologues alertaient déjà sur la possibilité d’une fonte des calottes polaires et de l’élévation du niveau des mers en raison de l’accumulation du CO₂ dans l’atmosphère. Des documents internes aujourd’hui révélés montrent que dans les années 1970 et 1980, les grandes compagnies pétrolières, et en particulier ExxonMobil, avaient une connaissance approfondie des dangers climatiques liés aux énergies fossiles.

Dans son livre, Vaillant retrace comment Exxon, Shell, BP et d’autres entreprises du secteur ont non seulement confirmé en interne la réalité du changement climatique, mais ont aussi volontairement orchestré une campagne de désinformation massive. Plutôt que de révéler au public les conclusions de leurs propres scientifiques – qui prévoyaient avec une précision troublante l’augmentation des températures et l’intensification des phénomènes météorologiques extrêmes –, ces compagnies ont investi des millions dans des stratégies visant à semer le doute.

À travers des groupes de lobbying, des think tanks financés en secret et des campagnes publicitaires mensongères, elles ont détourné l’attention et ralenti la prise de conscience mondiale. Elles ont utilisé les mêmes tactiques que l’industrie du tabac, créant une fausse controverse sur le rôle des activités humaines dans le changement climatique, alors même qu’elles savaient la vérité. Les conséquences de ces manipulations sont aujourd’hui mesurables en milliards de tonnes de CO₂ supplémentaires, en méga-feux incontrôlables, et en pertes humaines et économiques incalculables.

Vaillant nous rappelle ainsi que le dérèglement climatique n’est ni une surprise, ni une fatalité : il résulte d’un choix délibéré de privilégier les profits à court terme au détriment de l’avenir de la planète. À travers ce livre, il met en lumière non seulement la force destructrice du feu, mais aussi l’incendie moral et politique allumé par ces décennies de mensonges et d’inaction.

À propos de l’auteur :

John Vaillant est un journaliste et écrivain américain passionné par les relations entre l’être humain et la nature, et les conséquences environnementales de notre civilisation. Son premier ouvrage, L’Arbre d’or, a été suivi en 2010 par Le Tigre, un succès de librairie internationale couronné par le Prix Nicolas Bouvier en 2012.

Son dernier livre, L’Âge du feu (Noir sur Blanc, 2024), a reçu plusieurs distinctions prestigieuses, dont le Baillie Gifford Prize for Non-Fiction 2023, et a figuré dans la shortlist du National Book Awards for Non-Fiction 2023. Il vit aujourd’hui à Vancouver.

 

 

Vérifier aussi

Intelligence artificielle et écologie : un dialogue nécessaire pour l’avenir

En tant que militant ayant participé à de nombreux groupes de travail, mon rôle, souvent …

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *