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Réalisme du projet de panneaux solaires spatiaux pour 2040

Dernière modification le 24-3-2025 à 16:14:43

Faut-il vraiment aller chercher l’énergie solaire dans l’espace ?

Alors que plusieurs pays et entreprises développent des projets de centrales solaires orbitales, la promesse d’une énergie propre venue de l’espace divise scientifiques et écologistes. Innovation technologique ou non-sens environnemental ?

L’énergie venue de l’espace : une vieille idée qui devient réalité

Capter l’énergie du Soleil directement depuis l’espace, pour la transmettre sur Terre par micro-ondes ou lasers : longtemps cantonnée à la science-fiction, cette idée franchit aujourd’hui une nouvelle étape. En 2023, des chercheurs du California Institute of Technology (Caltech) ont réalisé une première mondiale en réussissant à transférer de l’énergie solaire depuis une station orbitale vers la Terre. Leur prototype, équipé de panneaux photovoltaïques et d’émetteurs à micro-ondes, a validé la faisabilité du concept.

L’intérêt est clair : hors atmosphère, la lumière du Soleil est jusqu’à 11 fois plus intense qu’au sol, sans interruption due à la nuit, aux nuages ou aux saisons. En théorie, ces stations solaires spatiales pourraient produire 8 fois plus d’énergie qu’un système terrestre équivalent.

Une entreprise suisse dans la course

En Suisse, la société Astrostrom, fondée par Arthur Woods, défend le développement de telles infrastructures. Son projet, présenté lors de la Biennale solaire à Lausanne, ambitionne de lancer des satellites dotés de panneaux solaires lunaires. Selon Woods, deux à trois satellites suffiraient à compenser la fermeture des centrales nucléaires suisses.

Le modèle repose sur le concept de Space-Based Solar Power (SBSP), en développement depuis les années 1960. L’ESA, le Royaume-Uni, la Chine, ou encore le Japon prévoient des démonstrateurs d’ici 2030–2035. L’Europe a lancé son programme SOLARIS pour étudier une mise en service potentielle à l’horizon 2040.

Une promesse technologique… à quel prix ?

Sur le plan technique, de nombreux défis subsistent : miniaturisation, assemblage en orbite, transmission sans danger de gigawatts d’énergie, résistance des matériaux en environnement spatial, etc. Mais l’autre frein majeur est économique. Lancer des structures aussi grandes reste extrêmement coûteux et énergivore, même si les lancements spatiaux deviennent plus abordables.

Et c’est là que la critique environnementale prend tout son sens.

« Un non-sens environnemental »

Pour plusieurs scientifiques, notamment Volker Gass, vice-président de l’innovation à l’EPFL, cette approche est absurde sur le plan écologique. Elle consiste à importer de l’énergie depuis l’extérieur du système terrestre, avec un risque d’aggraver le déséquilibre climatique. « Ce n’est pas en apportant encore plus d’énergie sur Terre que nous allons résoudre la crise climatique. Les solutions sont déjà là, sur Terre. Il suffit de les développer. »

De plus, la quantité de CO₂ émise pour produire et lancer ces satellites est massive. Et la transmission d’énergie via micro-ondes à haute intensité interroge sur les effets potentiels sur la santé, les écosystèmes, voire la météo locale, selon plusieurs études encore en cours.

Des alternatives bien terrestres

Les détracteurs des projets spatiaux rappellent que la Terre reçoit déjà bien plus d’énergie solaire qu’il n’en faut : en captant tous les rayons solaires reçus pendant trois jours, on pourrait couvrir la consommation énergétique annuelle de toute l’humanité. Le vrai défi n’est donc pas l’abondance de l’énergie solaire, mais la volonté politique et les investissements pour développer massivement le photovoltaïque au sol, le stockage, l’efficacité énergétique et la sobriété.

Une course technologique, mais à quel sens ?

Si les projets de centrales solaires spatiales sont techniquement fascinants et géopolitiquement stratégiques, ils posent une question fondamentale : faut-il vraiment chercher l’énergie toujours plus loin, au prix de ressources, de risques et d’impacts potentiellement démesurés ?

La transition énergétique repose aussi — et surtout — sur notre capacité à réduire la demande, à mieux répartir l’existant, et à changer nos modèles de consommation. Dans cette perspective, la conquête énergétique de l’orbite terrestre semble, pour beaucoup, relever davantage de l’obsession technologique que du bon sens écologique.

Références

Études et rapports scientifiques sur le solaire spatial

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