mardi , 30 avril 2024
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5 – Vapoteurs, libertarianisme, profits et droite radicale

Dernière modification le 1-6-2022 à 15:25:03

Le Monde, 5 et 6 novembre 2021. « Vapotage : le lobby du tabac dans la guerre des idées », Économie & entreprise, pp. 16-17 et 20-21.

S’agissant de manipuler l’opinion publique, les lobbies de la grande industrie ne sont jamais à court de stratégies propres à défendre bec et ongles des intérêts économiques proprement colossaux – et ceci quitte à promouvoir une idéologie radicale de droite hostile à toute intervention de la part des États. En témoignent aujourd’hui les résultats d’une vaste enquête conjointement réalisée par le quotidien Le Monde et The Investigative Desk.

L’affaire débute avec la formation, en apparence spontanée, de mouvements de consommateurs s’inquiétant fort ici et là – à Barcelone, Milan, Berlin, ailleurs encore – de ce que les gouvernements puissent s’employer à limiter la consommation du tabac… voire à jeter du discrédit sur les vertus des inhalateurs de nicotine assimilés à des produits du tabac. N’en va-t-il pas des libertés individuelles ? Certains signes, pourtant, laissent penser que les manifestants sont bien moins « issus du terrain » qu’eux-mêmes ne le pensent souvent. D’ailleurs, gant de boxe rose sur son toit, le très itinérant véhicule d’une certaine World Vaper’s Alliance commence à faire parler de lui, ses occupants claironnant au passage que le vapotage est « 95% moins nocif que la cigarette ». De sorte qu’une investigation met bientôt en lumière le fait que ladite « Alliance mondiale des vapoteurs » n’est qu’un écran au service du Consumer Choice Center dont le but avoué est de s’opposer à tout ce qui entrave la liberté des consommateurs dans des domaines tels que la taxation des produits sucrés et de l’alcool, la santé, les transport, l’économie numérique, le « style de vie », etc.

Mieux encore : un peu plus tard, les enquêteurs réalisent que ce « Centre pour le choix des consommateurs » est financé par la toute-puissante industrie du tabac… Japan Tobacco International, British American Tobacco, Philip Morris International, Imperial Brands, Juul et Altria, qui toutes et tous possèdent en propre leurs e-cigarettes, mettant la main au portefeuille.

Seconde découverte : l’analyse des sources documentaires exploitées et dûment nommées permet d’ajouter à la liste de tels généreux donateurs une galaxie de milliardaires américains orchestrée par les richissimes frères Koch. David a beau être décédé il y a deux ans, Charles, lui, propriétaire de raffineries de pétrole, de pipelines, de mines de charbon, de fabriques de moquettes, de chaises de jardin, etc. (100 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2019) – et donc, on ne s’en étonnera pas, « grand argentier du climatoscepticisme » –, s’avère piloter un projet politique d’extrême droite fort occupé à façonner le débat public – ceci grâce à la dissémination de certaines idées par le biais de sites d’information gratuite, de campagnes, de hashtags, tout comme par l’entremise de fondations et think tanks habilités à financer organisations, consultants et commentateurs. Le tout bien sûr sans jamais oublier la question des profits.

Ce qu’entend accomplir pareille armée de l’ombre ?

« Dans les tweets, les brochures et les esprits en tout cas, c’est de l’abolition de toute forme de contrôle sur le monde des affaires que l’on caresse le rêve. »

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