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CO2 Carbon capture and storage CarbFix Climeworks geoengineering in Iceland

47 – Simple et perfide Greenwashing, la capture et séquestration du carbone à échelle industrielle ?

Dernière modification le 20-11-2023 à 14:45:50

Revue du Crieur no 21, novembre 2022. « Géo-ingénierie : les technologies sauveront-elles le progrès ? », pp.82-95.

L’affaire est entendue, surtout depuis la parution en France, il y a neuf ans de cela, des Apprentis sorciers du climat – ouvrage de l’essayiste, économiste et philosophe australien Clive Hamilton. Presque infailliblement, chez toute personne se souciant d’écologie, le mot géo-ingénierie suffit à provoquer une franche poussée d’urticaire. La raison en est simple : qui donc, spontanément, n’irait pas associer ce terme à ce à quoi nous auront acculés (pour citer Yves Citton et Benoît Dubacq, les auteurs de l’article inspirant cette chronique) « deux siècles de délires prométhéens et d’industrialisation à marche forcée » ? Soit à « polluer nos sols, souiller nos rivières, plastifier nos océans et surchauffer notre climat ».

Que donc la perspective d’un recours à la géo-ingénierie puisse, en plein marasme environnemental, susciter une levée de boucliers… le fait n’étonnera personne. Outre que la mise en avant de ce type de technologie propre à combattre les émissions de CO2 a de quoi faire l’effet d’un pur et simple chèque en blanc propre à ravir les forcenés de la Croissance et autres chevaliers du « Retour sur investissement », la recherche en géo-ingénierie, avertissait Clive Hamilton, « affaiblit, de manière presque certaine, les incitations à poursuivre la réduction des émissions ».

Bien vu ! songera-t-on. Simplement, dans les faits, parvenus à ce point de dégradation des conditions biophysiques de vie sur Terre à laquelle l’humanité – comme tout le reste du Vivant – se retrouve confrontée, sommes-nous certains d’avoir encore le luxe de répudier tout recours à ce type de technologie ? De pouvoir nous accrocher à un « ou bien ou bien » des plus tranchés excluant une chance de « minimiser les conséquences de nos sorcelleries consuméristes » ? N’est-il pas, au contraire, urgent de l’associer – en prenant certes soin de la corréler étroitement avec une transformation sociale et politique majeure – aux solutions dites « naturelles » promues (accroissement de la couverture forestière, restauration des zones humides, culture intensive de certains types d’algues ou de micro-organismes pour drainer le carbone au fond des océans, carbonisation de matières organiques, etc.) mais risquant fort de s’avérer insuffisantes à nous tirer du péril auquel nous courons à grands pas ? En outre, nous sommes très loin d’être certains que de telles solutions n’induisent pas « des bouleversements considérables de certains écosystèmes et des risques de pollutions des océans ». Sans compter le fait – précisent nos deux auteurs – qu’en plus de n’être pas si nouvelles, elles « n’offrent pas toutes une efficacité garantie : la fertilisation des océans, censée augmenter le piégeage de carbone par les micro-organismes et vantée depuis deux décennies par ses promoteurs, n’en finit pas de décevoir par son inefficacité et ses désagréments ».

Telles sont donc, parmi d’autres, les questions épineuses que soulèvent Citton et Dubacq dans le sillage du récent essai de Holly Jean Buck, spécialiste des enjeux environnementaux : After Geoengineering, Climate Tragedy, repair and Restauration. Lequel essai se garde fermement, ce faisant, de laisser inchangé notre modèle de développement et de consommation.

On ne m’en voudra pas – j’y compte ! – de ne pouvoir résumer la riche substance des quinze pages que totalise cet article… préférant renvoyer à sa lecture dans la dernière livraison de la Revue du Crieur d’abord acquise en sorte de lire « Les angles morts de la guerre d’Ukraine », de François Bonnet, chroniqué dans Le Monde. La conclusion d’un tel tour d’horizon encore une fois problématique, la voici :

« Au lieu de diaboliser a priori tout ce qui s’en approche, les débats sur la géo-ingénierie et la planétarité nous invitent à faire acte de discernement. Notre avenir dépend de notre capacité à nous orienter au sein de transformations énormes, partiellement planifiables, mais finalement incontrôlables. Le potentiel disruptif d’hypothétiques avancées scientifiques majeures ne doit pas être oublié, mais il ne faudrait pas non plus accorder une confiance aveugle à un techno-solutionnisme de principe – on sait à quel point les promesses de “croissance verte” boostées par l’innovation technologique peuvent être trompeuses. Avancer avec discernement face au changement climatique, c’est refuser de croire aux solutions faciles, uniques, magiques, c’est interroger les décennies d’études scientifiques déjà disponibles sur les possibilités et les risques des multiples solutions envisagées, et c’est continuer l’effort de recherche. Car il faut insister sur ce point : les conclusions scientifiques sont déjà tirées, au moins au premier ordre, sur nombre de sujets. (…) Feuilleter les résumés des rapports du GIEC est un bon début. Traduire nos planétarités en pensées et en praxis partagées en sera la suite nécessaire ».

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